Henri MaîtreMinorités du Guizhou, du Yunnan, du Guangxi ... et d'ailleursSommaire
Quelques définitions'On recouvre du terme de "Minorités" les 110 millions de chinois qui ne relèvent pas de l'éthnie dominante Han.' Cette phrase, que nous avons employée en introduction, mérite que l'on rappelle quelques termes de vocabulaire :
La construction de la notion de minorité
Lors de la construction de la République Populaire de Chine, on comptait plus de 1000 groupes ethniques différents. La
constitution leur reconnait à tous la même citoyenneté par le droit du sol. Le politique a souhaité les distinguer par le
droit du sang, de façon qu'ils participent officiellement à l'administration des territoires là où ils sont
majoritaires, suivant en cela
l'exemple ancien des tusis qui avaient permis, dans les siècles passés, d'attacher progressivement à l'empire
les ethnies des marches.
Sans surprise, c'est à la périphérie de l'empire chinois que l'on retrouve aujourd'hui ces minorités, progressivement repoussées comme "barbares" dans les terres les moins hospitalières. Beaucoup se sont également établies dans les pays frontaliers : VietNam, Laos, Birmanie, Thaïlande, Tibet, Russie, ...
Il est difficile de remonter loin dans l'histoire au sujet des minorités. La plupart d'entre elles n'ont pas de tradition
écrite et confient à la seule narration le soin d'informer de leur passé les générations futures, bien souvent
selon des versions très romancées. Par ailleurs, si les Hans ont conservé assez bien, eux, la mémoire de leurs
contacts avec les minorités, ils ont systématiquement adopté un point de vue très biaisé, conforme à la culture
confucéenne, considérant ces ethnies comme barbares et indignes d'intérêt. Leurs évocations des contacts qu'il
ont eus consistent souvent à narrer les seuls évènements qui les concernent et surtout s'ils leur sont favorables.
Enfin, l'historiographie chinoise contemporaine, la plus qualifiée pour interpréter textes et fouilles,
est très politisée.
Deux états explicitement établis par des minorités se détachent de ces périodes assez confuses : le royaume de
Nanzhao et le royaume de Dali.
La situation change notablement au dix-neuvième siècle. La dynastie mandchoue Qing, après avoir tout d'abord
suivi la politique de "cogestion" des Ming, adopte une politique intensive de sinisation. Les postes de
responsabilité sont systématiquement "hannisés", les sols dans les zones les plus accessibles sont attribués à des
colons déplacés, rejetant à contrario les plus ardents résistants à cette assimilation dans des fiefs puissants et rebelles, en révolte contre la dynastie mandchoue et terreaux fertiles d'une propagande européenne, en quête de zones d'influence et donc, bien sûr, subversive ...
Dans une lutte coloniale particulièrement sévère entre Anglais et Français,
la voie du Mékong et les routes de la Birmanie apportaient la bible, les armes,
l'imprimerie, la seddition et le pavot. Elles repartaient des montagnes du Yunnan chargée de soie, de thé puer,
de laques et parfois s'en allait raccourcie d'une tête après avoir semé la rebellion, l'eucharistie et l'alphabet latin.
La république-empire au début du vingtième siècle est le moment rêvé de tous les excès : l'opium a totalement
remplacé le thé sur le dos des petits poneys, les chefs de village sont tous devenus chefs brigands car s'ils
ne l'ont fait, leurs villages sont été mille fois pillés. Les rackets se multiplient des uns ou des autres,
mais toujours au détriment des mêmes. Lorsque les forces en présence deviennent plus claires,
certains rejoignent le Guomintang qui veut reconstruire l'ordre et la propriété, d'autres, au contraire, cet aventurier
de Mao Zedong qui a la bonne idée de dénoncer la main-mise sur les bonnes terres par les nantis. Aucun ne s'alliera
aux Japonais qui peinent à s'installer sur ces terres loin de leurs bases et méprisent copieusement ces barbares.
La République Populaire de Chine affirme en 1949 l'égalité des peuples vivant sur son territoire ; elle met fin aux
féodalités, à l'esclavage (encore bien présent), affirme même les droits des minorités à procéder elles-mêmes à leur
gouvernement là où elles sont majoritaires, introduit des éléments d'éducation et de santé publique, améliore
l'approvisionnement des zones isolées. En échange elle impose des règles communes qui chassent les coutumes ancestrales,
elle impose le mandarin comme langue administrative, refoule les religions établies (bouddisme, confucianisme, taoïsme) et
pourchasse l'animisme, réquisitionne les terres, impose le regroupements des populations et la vie en communauté, fait
disparaître les structures anciennes de la vie sociale lorsqu'elle ne peut pas s'appuyer sur elles et, bon gré mal gré,
favorise l'implantation de Hans qui maîtrisent la langue et accèdent facilement à l'éducation.
Le chemin est long ensuite pour reconstruire le pays après les réformes de Deng XiaoPing de 1979. Les terres
pauvres des minorités ne sont pas prioritaires dans l'effort national, mais à leur égard, le pouvoir est
beaucoup plus favorable que pendant l'ère des réformes et beaucoup plus conforme à l'esprit de la
Révolution Populaire de 1949. Les nouvelles lois sociales incitent à une relève des minorités, mais
les règles économiques ont la priorité. Le Guizhou, le Guangxi, le Yunnan sont les marches de l'empire ;
on s'en méfie un peu car elles furent turbulentes et mal-contrôlées. Ces provinces se traînent donc en queue des
investissements nationaux, malgré des richesses minières et forestières dont la Chine a bien besoin, mais
qu'elle exploite de façon presque coloniale, expédiant sur place de grandes entreprises qui fonctionnent
pilotées de Beijing, sans grande considération pour les intérêts locaux qu'ils soient financiers, humains
ou environnementaux. Il faut attendre la fin du vingtième siècle pour que soient mises en place des
politiques de mise en valeur du grand potentiel des minorités. Les gouvernements "autonomes" sont un peu
plus autonomes, un système éducatif est mis en place pour favoriser la formation d'une
jeunesse issue des minorités, bien armée pour affronter le monde moderne plutôt que s'exporter vers les gouffres à main d'oeuvre de Chengdu, Kunmin ou Canton. Ce système culmine avec des Universités des Minorités qui visent à fournir des cadres à l'agriculture, l'artisanat, le commerce et l'administration.
Le 21e siècle avec le grand bond économique de la Chine, plonge les minorités dans une nouvelle
phase de développement. Les vallées sont désenclavées à marche forcée,
des autoroutes partent à l'assaut des montagnes les plus reculées, doublées de trains rapides et
des aéroports sont ouverts au commerce national tout d'abord mais bien vite
international. Le moindre village est maintenant accessible aux commerçants et aux investisseurs
Hans qui apportent des machines à laver, des téléviseurs, et des
panneaux solaires, là où bien souvent il n'y a pas d'eau sur les éviers de pierre, pas de mobilier
dans les pièces uniques, où l'âtre est encore fait de trois pierres plates
au centre de la pièce où bout une éternelle marmite. En retour les villageois sont maintenant aux
portes des usines après juste 4 heures (ou huit heures, ou trente heures ...) de bus. Les recruteurs
passent en camion dans les villages ramasser les bras valides et les petites mains diligentes.
Les villages se vident de tous les potentiels. Les femmes les premières fuient loin des tâches
harassantes et inconfortables de la campagne pour nettoyer de nuit les
supermarchés ou souder des circuits imprimés, tandis que les hommes rejoindront un hypothétique
chantier dans la banlieue d'une capitale régionale. Et les yéyés et les naïnaïs
se retrouvent six mois par an en charge des bambins, si ceux-ci ont la chance d'avoir encore des
grands-parents en vie ...
Les autoroutes apportent aussi les touristes car bien vite l'Administration a vu le parti à tirer de
l'exhubérante variété des traditions locales. Tourisme à la chinoise
principalement, c'est-à-dire tourisme de groupes disciplinés qui veulent trouver sur la place du village
toute la tradition des Dongs, des Miaos ou des Muosus, résumée et
condensée en un show unique de deux heures où l'on associe les danses, la musique, les costumes et
les vieilles légendes. L'architecture, soigneusement reconstruite, l'artisanat, la
cuisine ainsi que les principales traditions seront aussi à portée de main dans des boutiques ou
des musées, particulièrement soignés, pour les plus intrépides d'entre-eux, ceux qui pourront
échapper une demi-heure à la vigilance de leur cornac. Mais hors de ces trajets balisés, c'est
encore beaucoup l'inconnu, ignoré des guides, des cartes, des agences de voyage et même d'internet qui sait
tout, mais pas ça ...
La fin des minorités ? Peut-être pas ... car il faut bien le dire, elles tiennent bon ces minorités
(on dirait aujourd'hui qu'elles sont drôlement résilientes !). Parcourez
ces petits villages, quittez les grands-places, perdez-vous aux bordures des champs, là où les
programmes de reconstruction n'ont pas encore fait passer leurs pelleteuses, vous
trouverez encore des maisons anciennes, de bois noir ou de pierre, les toits couverts de tuiles,
de chaume ou de dalles de lauzes, une charrue à main devant la porte.
Au soir, revenant des champs, les hommes et les femmes, poussant une poignée de canards ou une vache,
porteront encore la tenue qu'arboraient leurs grands-parents, rapiécée, tachée, mais authentique ...
Si vous tombez par chance sur un marché dans un village perdu, vous verrez que la variété des vêtements
est plus riche encore, issue des divers villages alentour. Vous verrez
les panières d'osiers accrochées au bras des marchandes de champignons, les petits chevaux secs,
portant des brassées de légumes, des hommes burinés en vareuses bleues et
casquettes de fourrure faisant rissoler des canards fendus en deux, et au dos des jeunes mères, coiffées
d'invraisemblables couvre-chefs, des bambins émergeant parmi les feuilles de choux. La fierté d'être de
telle ou telle minorité est évidente partout et chacun est fier de le proclamer. Les fêtes collectives antiques (celles
des Torches, de l'Eau ou des Lushengs) rassemblent des milliers de participants, tous revêtus des vêtements de leur
village, doivent-ils pour cela faire trente heures de routes en minibus ou sécher une semaine de cours à la fac. On
dit aussi (cf. B. Vermonde) que les écoles ont repris leurs
cours en langues locales et que des écritures anciennes même, comme l'écriture des Yis, s'y enseignent
aujourd'hui à tout le monde et non plus aux seuls bimos comme par le passé.
Sans être tout à fait une renaissance, ce mouvement laisse à penser que, quoiqu'elle soit totalement incompatible
avec le "village mondialisé" que nous promettent nos futurologues, la structure ancienne des minorités perdurera
encore durablement dans les mentalités, pour le plus grand bonheur d'une diversité sociale qui, quoiqu'on en dise, est bien au moins aussi importante que la diversité de la botanique.
Les populations des minorités les plus nombreuses de Chine du Sud et celles des
autres minorités (recensement de 2000) - les populations Mandchoues, Huis, Mongoles, Coréennes, Ouïghours, quoique présentes
en Chine du Sud, mais résidant majoritairement sur d'autres territoires ne sont pas rapportées ici.
carte des pays concernés |
courte bibliographie |
chronologie des dynasties chinoises |
classification des minorités> |
les divers musées des minorités
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Couvercle d'un cratère de bronze
Statue de Piluoge, roi Taï, fondateur
Statues des grottes des Shibaoshan
Colonne de bronze de Xizhou érigée
Vestiges de l'oppidum de Laosisheng,
Statue du général He Long à Zhang Jia Jie (Hunan).
Petit village Buyi de Gaodang (Guizhou) slogans
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