Rajasthan : le Royaume des Rois, Inde

                                                  Henri Maître - avril 2015

 






Carte de l'Inde et localisation du Rajasthan


Carte du Rajasthan, et des principaux sites visités












La visite en images

  • Le Shekawati, les havélis peints de Mandawa

  • Bikaner, forteresse rouge du désert Thar

  • Jaisalmer, pierre précieuse de grès doré, merveille de façades sculptées

  • Jodhpur, la ville bleue

  • la petite ville de Narlai, les temples Jaïn de Ranakpur, Mont-Abu

  • Udaipur, la ville blanche au bord du lac Pichola

  • Bundi, petite ville oubliée, palais merveilleux

  • Jaipur, la ville rose, la capitale

  • Agra et le Taj-Mahal, Delhi (à venir)







et deux petits bonus pour nos fidèles visiteurs ...

la page culturelle :

Les maisons de pierre du désert


la page du routard :

Comment se déplacer au Rajasthan















































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Fait le 15/05/2015

Dans l'Inde gigantesque, le Rajasthan est un territoire singulier. Terre de brassage et de mélanges, il a accueilli tous les peuples du monde et  reflète aujourd'hui la démesure et la diversité indienne. Frontière du Pakistan, il ouvre aux routes du Nord Ouest, route des grands commerces et des invasions. La passe de Khyber, au seuil de l'Afghanistan, est à portée de chameau et de là l'Ouzbekistan et plus loin la Perse, la Turquie et l'Europe, ou, contournant le Pamir vers le Nord, la Mongolie, la Russie et la Chine autres lointaines destinations.

Aryens, Tatars, Scythes, Seljoukides, Perses, Huns, Mongols, Mohghols, Anglais, de ces déferlantes successives naquit le Rajput, fils de prince et prince lui-même, issu du Soleil, de la Lune ou du Feu. De ces passages successifs, il ne reste trace que dans les gènes, les mémoires et les pratiques car chaque nouveau venu a pris bien soin de détruire, camoufler ou convertir les empreintes de pierre et de bois de ses prédécesseurs. Au Rajasthan, l'histoire est plusieurs fois millénaire, mais les vestiges, au mieux, quelques fois centenaires, trahissant une redoutable et héréditaire pratique de tabula rasa culturelle. Mais la culture s'accroche aux grains de sable, aux fils des nuages, aux épines des acacias, aux poils des chèvres, aux déluges des moussons, ... elle transpire partout sa complexe diversité.

Lent dégradé géographique du désert du Thar au Nord-Ouest à la vallée gangienne de la Chambal sur sa frontière Sud-Est, le Rajasthan est barré obliquement des monts Aravalli. En ce mois d'avril, des pluies tardives ont semé des franges vertes aux bordures du désert. On nous dit que les feuillages des acacias et des khimps sont plus fournis que jamais. Croyons-le, même si leur ombre est rare. Les pommiers de Sodome sont partout en fleur. Dans les champs, les moissons de blé sont en cours, à la main bien souvent, mais de longues processions de moissonneuses-batteuses traversent le pays, témoignant d'une mécanisation intensive quelque part ...  nous ne les verrons pas en action. Au cours de la journée, le soleil rappellera au touriste téméraire que ces lieux sont des fournaises à la fin du printemps. Une tempête de sable près de Jaisalmer, un orage de grèle dans le Marwar arrêteront deux fois toute circulation, nous rappelant que la démesure n'est pas le fait que des colères de Surya, le soleil.


     Le Shekawati

Province au Nord des Aravallis, composée de grosses bourgades ou petites villes de commerçants : Fathepur, Mandawa, Jhunjhunu, égrenées sur un réseau routier rapiécé, souvenir pieusement conservé probablement du temps des des caravanes de chameaux. Villes éparpillées dans les cultures maraîchères et les champs de blé, aux portes de Dehli. Partout des havélis remarquables, petits bijoux d'hôtels particuliers en ruine mais merveilleusement peints, perdus dans des ruelles défoncées, leurs cours à étages et balcons, ravagées par un usage quotidien intensif, leurs terrasses en labyrinthes sautant d'un toit à un autre. Mais leurs façades si belles abritant des processions d'éléphants et de chameaux, des cohortes de cavaliers caparaçonnés, des belles amazones couvertes de bijoux, de musiciens et de danseuses. Le temps s'est arrêté il y a un siècle dans le Shekawati et attend le baiser du prince charmant. Aura-t-il une grosse moustache et des favoris de Rajput ?


     Bikaner

La forteresse du désert Thar et son fort de grosses pierres, Junagarh, dominé par le palais où se mêlent les styles : les courbes gracieuses des fenêtres cintrées d'un côté, les alignements précis et rythmés de l'autre, où s'opposent les couleurs : le grès rouge des hommes, le marbre blanc des femmes. Les salles d'apparat, croulant sous les ors, les pourpres et les ivoires.

En bas, dans la ville, le temple Jaïn Banda Shaha et sa curieuse couleur verte, les teintes crues de ses statues et ses fleurs peintes partout pour ne pas laisser un coin de mur nu. La ville tout autour, serrée comme dans une oasis, tressant un entrelacs de ruelles étroites et tordues, ouvrant ses échoppes minuscules de fruits, de tissus, de cuivres, ses boutiques de barbier ou ses restaurants sans tables. Les grands tissus teints sur place et sortis le soir pour sécher lorsque le soleil ne les abîme plus.

Plus loin encore de Bikaner, lointaine bergère des petits villages du désert, les hameaux s'égrènent, autour d'un arrêt de car, d'une école, mais le plus souvent de garages hétéroclites où séjournent des camions bariolés et hors d'âge, chargés comme des mules de gros sacs de fourrage qui descendent loin sur leurs flancs.


     Jaisalmer

Jaisalmer aux confins occidentaux de l'Inde : bastion de grès doré, campé au départ des pistes, Jaisalmer affiche la puissance de ses murailles pour mieux protéger la dentelle de ses palais et de ses maisons bourgeoises. Extrordinaires entrelacs de pierre au fond de ruelles étroites, balcons et encorbellements, lintaux, portants et moucharabiéh, sculptés avec d'infinis détails, aux géométries sans cesse réinventées. La richesse des orfèvres et des bijoutiers, des marchands de soies et de tapis, des négociants de laine, d'épices et de poudres licites ou illicites s'est figée ici dans les cloisonnements subtils et ocres des façades. La même profusion hante là-haut les ruelles de la forteresse blotties autour du palais et s'étale, à ses pieds dans la ville basse.

Les vaches sont heureuses à Jaisalmer, qui errent au petit matin de seuil en seuil au sein de ces merveilles. Elles grimpent trois marches des perrons, poussent du museau les portes des cuisines en quête d'une poignée de graines ou d'une peau de melon. Si elles insistent trop, une tape sur le front les rappelle à la retenue.

Hors la ville, les cénotaphes royaux de Bada Bagh courent sur une colline, face au désert. Dans leur dos, des éoliennes plus nombreuses encore viennent gâcher de leurs bras décharnés l'alignement des coupoles dorées. Plus près des remparts, le lac de GadiSar et ses petits palais d'été se languissent des romances passées. Un mince filet d'eau, seul souvenir des neiges de l'Himalaya, gargouille dans une fontaine. Les grues se sont envolées depuis des semaines, s'attardent seuls aux rives désormais sèches, des canards et des poules d'eau.


     Le Marwar et Jodhpur

La route qui ramène le voyageur vers l'Inde profonde (pas celle des marges et des déserts) récèle de nombreuses surprises, villages colorés, forts, temples de pierre blanche. Une mention particulière à ces maisons de terre, de pierres et de chaume, que l'on aperçoit de la route. Quatre huttes circulaires, aux murs de grandes dalles blanches jointées de terre brune, regroupées dans un enclos de dalles aussi. Des toits de fortes branches couvertes de chaume gris, qui se prolongent en avancées, soutenues de pierre. Un intérieur plus que rustique, ici de chambre, là de cuisine, sans meuble, des coussins de feuilles au sol, de grands couffins et des sacs suspendus pour tenir les vêtements. Et l'accueil de sourires adorables, quatre générations de femmes, parées comme pour un bal, des hommes affables, des enfants intimidés.

Différente est Jodhpur, grande ville, capitale du Marwar, ville des brahmanes. Jodhpur, la ville bleue, qui s'enroule autour de sa forteresse, étale ses marchés et ses bassins dans les bras de ses fortifications. Plus qu'ailleurs, nous sentirons l'activité incessante des artisans et des commerçants, le mouvement confus des charrettes à bras emplies de légumes, des vélos chargés de tissus, des porteurs de corbeilles et de sacs. Ici un dentiste officie sous un parasol, là des marteaux s'acharnent sur un cul de bassine, c'est des fleurs de jasmin que l'on enfile sur un collier, des pièces de drap rouge et or que l'on étale au soleil, des panières de citrons verts, de menthe, de piments qui sont prises d'assaut par des élégantes en saris pourpres.

Le fort Merhangarh ne semble de loin qu'un gros bastion, mais ses balcons et ses tourelles se cisellent lorsqu'on s'approche et prennent toute la finesse des arts hindous et persans mélangés : lanternons de pierre suspendus sur des falaises de rochers, hauts piliers soutenant les appartements, médaillons de moucharabiéh sur les remparts de moellons, fleurs de pavot des guérites, acrostiches de pierre couronnant bretèches, hourds et barbacanes. L'art de la guerre est raffiné et précieux au pays des rajahs, comme le rappelle son musée de sabres, kriss et fusils, collection de nacre, ivoire et vermeil.


     L'Ajmer-Mewar

Le Mewar se montre tout d'abord campagnard et paisible au petit village de Narlai, dans des ruelles où traînent moutons et entelles. Il révelera ensuite les fastes de ses temples jaïns à Ranakpur. Andinatha tout d'abord, forêt de piliers de marbre blanc, profusion de sculptures partant à l'assaut des innombrables coupoles, péristiles en gradins. Parshvanath surtout, plus petit, mais aux sculptures plus libres de ses façades externes, foules de danseuses, de musiciens, d'animaux mêlés dans une jungle de piliers et de fleurs.

On continuera ensuite jusqu'à la petite ville de Mont-Abu, perchée dans les monts Aravellis. Rencontre singulière lors de cette fin de semaine d'une foule de vacanciers déambulant le long du lac, se pressant pour observer un coucher de soleil qui se couchera, tout comme à Jaisalmer et à Bikaner, dans une décevante mer de nuages. C'est l'occasion aussi de voir de près des marwaris, aux oreilles en croissants de lune, que des jockeys très fiers mènent à vive allure parmi les visiteurs, chevaux superbes, entretenus avec amour, qui ne servent plus qu'à emporter les touristes ...

Mais Mont-Abu, c'est tout d'abord les temples jaïns de Dilwara, que visite une foule pressante ces jours. Les temples de Dilwara, le Vimal Vasahi et le Lun Vasahi en particulier, sont des lieux de culte éminents, mais ce sont aussi des bijoux de pierre qui surpassent en splendeur tous ceux que nous avons vus jusqu'alors. Nulle photo pour en témoigner malheureusement. Des sols de marbre noir et blanc, des plafonds sculptés avec des détails infinis, des panneaux muraux tous différents contant des aventures du temps où les dieux et les mortels se tutoyaient. Ces temples ont plus de 800 ans, mais ils sont encore dans un état parfait.


Udaïpur

C'est vue du lac Pichola, que l'impressionnante silhouette du CityPalace d'Udaïpur prend toute sa dimension. Avec ses balcons en avancée, la ligne brisée de ses corniches, les toits alternativement arrondis des moghols et droits des hindous, les longues parties basses en glacis, il reflète la vie paisible d'une cour loin des fortifications, des sièges et des batailles. Ses reflets dans le lac Pichola évoquent l'Hermitage, Dolmabahçe, ou les Doges, ces lieux où l'on vit dans la musique des instruments à cordes plus que dans le fracas des armes. A l'intérieur, les escaliers étroits, les portes discrètes et l'enchevêtrement des couloirs conduisent à des salles couvertes de miroirs, des boudoirs et des jardins suspendus.

Dans la ville basse, le temple Jagdish expose à la rue ses fresques aux personnages mutilés et son mandapa aryen. Les ruelles alentour sont bordées de maisons anciennes aux fenêtres étroites fermées de volets de bois. Le musée de Bagore Ki, dans une belle havéli au bord du lac, expose des collections d'instruments de musique, de turbans et de marionnettes. Dans la cour, on verra le soir un délicieux spectacle de danses que par chance la pluie ne pertubera pas.


     Le Haddi et Bundi

Bundi, petite ville à l'écart des grandes routes, éloignée même de sa gare. Nichée au creux de ses collines, aux ruelles en pente abrupte, creusées de profonds canivaux pour se protéger de la colère des dieux des moussons et des débordements impromptus des bassins de la citadelle. Bundi et les merveilles de son palais : salles aux encorbellements d'éléphants sculptés, mosaïques courant sur les galeries, jardins suspendus, vieux miroirs lassés de refléter jour après jours depuis des siècles tant de beautés : batailles de cavaliers et d'éléphants, chasses aux tigres et aux gazelles, combats de dieux et de démons, princesses poussant l'escarpolette sur des parterres d'iris et de paons, jouant de l'oud pour leur roi, phénix, singes téméraires, jonglant avec des armes terrifiantes, jardins et palais encore, peints aux murs en abyme ...

Bundi, le plus ravissant palais, mais aussi le plus fragile, livré au temps comme le fut sa forteresse, un peu plus haut, aujourd'hui vaincue par les banians, offrant ses plafonds éventrés et ses fresques évanouies aux écureuils et aux macaques, ses bassins aux mousses et aux ronces. Combien de temps tiendront encore ces décors de marbre et de stuc ouverts aux vents, ces plafonds voussés où s'expriment des Olympes orientaux que parcourent déjà des lézardes, ces miroirs qui ne reflètent plus les fresques qu'entre les macules et les éclats ?


Jaipur

Jaïpur possède tous les charmes d'une grande cité moderne, ses embouteillages matinaux agrémentés de klaxons et de pétarades, sa pollution fermement accrochée à ses immeubles disparates et tristounets, ses fonctionnaires empressés. Il faut découvrir au coin d'une avenue la façade brodée du Palais des vents, puis plus loin, en suivant des rues détournées, le Palais du Chandra Mahal aux lignes sérieuses et droites, ou encore, exilés sur une île et répudiés hors la ville, les bulbes du Jal Mahal, pour imaginer à cette ville un destin autre que celui d'une sous-préfecture.

Mais il y a le palais Amber, enchâssé dans son fort pour rappeler au voyageur que la capital du Rajasthan est aussi un royaume Rajput, avec ses processions d'éléphants peinturlurés, avec ses cours monumentales flanquées de murailles, avec son Divan grandiose tapissé de miroirs éclatés en milliers de facettes au coeur de roses et de pavots, avec son zenana aux couloirs frais et discrets, ses cours et ses bassins.

Il y a aussi le superbe jardin astronomique du Yantra Mandir, l'observatoire tricentenaire de Jai Singh, avec ses instruments fabuleux taillés dans le marbre pour découper le ciel et le temps en calottes et en tranches, ses graduations de cuivre et d'acier marquant le futur et le passé d'une implacable arithmétique ...



     Agra, Delhi et le Taj-Mahal

(texte et photos à venir - probablement)