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Les Daïs : les pagodes du Mékong

Xishuangbanna et Yunnan du Sud  -  avril 2016 -  Henri Maître

 

Minorité Daï
Dai Zú en pinying

 

 

 

 

Carte de Chine

Carte du Yunnan
et implantation des Daïs

Carte du Xishuangbanna

 

 

Les autres minorités :

 

Les Daïs dans l'histoire

Les Daïs sont des membres de la branche Thaï-Kadaï de la famille linguistique sino-tibétaine. Ils occupent le Sud-Yunnan depuis au moins deux millénaires. Probablement transfuges du Royaume de Yue lorsque celui-ci a éclaté à la fin des Etats Combattants, vers 200 avJC, ils ont migré vers l'Ouest et se sont établis sur les rives du Mékong (ici appelé le Lancang), dans ce qui sera plus tard le Xishuangbanna (au Yunnan), mais aussi le Nord de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande. Ils constituent alors le peuple des "Dents d'Or". Eparpillés en petits clans, ils ont participé aux royaume de Nanzhao et de Dali. Puis en 1180, ils se sont regroupés pour créer le Royaume de Mengle, indépendant du royaume de Dali. En 1257, ils ont fait briêvement allégeance à Kubilaï Khan, puis occasionnellement aux dynasties Mongoles, Hans et Mandchoues lorsque les armées de l'empire étaient trop pressantes. Ils ont aussi su garder une autonomie très turbulente, exprimée par la lignée des Si, puis des Dao chaque fois que le pouvoir central faiblissait. Après une courte période où se présentèrent de nombreuses occasions d'en découdre avec l'occupant du Nord, les Daïs se tournèrent ostensiblement vers le Sud et l'Ouest, au grand soulagement des Hans qui leur laissèrent la liberté de s'étendre hors des marches de l'empire et d'occuper de nouveaux fiefs au delà de la Salouine et de l'Irrawadi.

Les empereurs s'accordèrent d'un régime de tusis qui laissait aux Daïs de fait la bride sur le cou mais leur garantissait que l'on prenait soin de leurs trop lointaines frontières. Les Daïs vécurent quelques siècles de relations tumultueuses en terres de Siam avec leurs "cousins" de Lanna ou de Chiang Maï, passant le plus clair de leur temps à se chamailler au sein de la lignée Dao, payant momentanément une double allégeance aux Mandchous et aux Birmans (... mais sur les rives si riches du Mékong, on pouvait s'offrir ce luxe), courbant la tête sous les invasions thaïs, participant briêvement à la révolte musulmane (le "sultanat" de Dali), révolte dont le Xishuangbanna sorti dévasté, ferraillant contre les avancées des Anglais, en embuscade depuis leur fief de Birmanie, et des Français remontant le Mékong. Le réveil fut brutal à la chute des Qing, avec une reprise en main vigoureuse des troupes de la République, plus soucieuses que celles de l'empire de l'étanchéïté des frontières.
La mise en place d'une nouvelle classe dirigeante intégralement Han fut particulièrement mal appréciée des Daïs, mais aussi des autres minorités du Xishuangbanna et en particulier des Lahus qui prirent les armes contre le gouverneur Han et trouvèrent un large soutien chez les Daïs. L'assimilation culturelle à marche forcée pour extraire les "barbares" à leur condition féodale loin d'éloigner les classes pauvres et moyennes de l'aristocratie renforcèrent la solidarité collective et rendirent plus violents les efforts pour revenir au "bon vieux temps" de la dynastie Daï. Renforcé par une politique ouverte de prévarication et de népotisme de l'administration en place, un état de jacquerie s'installa dans le Sud du Yunnan. De l'autre côté des frontières, les sirènes d'un grand royaume Thaï résonnaient depuis Bangkok où naissait la Thaïlande en 1939. Mais la Thaïlande s'allia au Japon qui bombarda assiduement le Xishuangbanna dans l'intention de prendre à revers le gouvernement chinois replié à Chongqing. Tout cela ne fut pas très favorable au nationalisme Daï et un éphémère gouvernement nationaliste installé à Jinghong à la fin de la guerre ne se maintint que quelques mois avant que ne s'enfuit le dernier Prince Régent Daï.
La République Populaire fut plus habile que la République de Chine. Elle remit en place les responsables Daï, garda sous le coude les réformes les plus drastiques pour se concentrer sur l'éducation et la santé (le Sud Yunnan était toujours ravagé par le paludisme), gagnant progressivement la confiance d'une population néanmoins très réservée quant aux modifications sociales qui lui étaient proposées. La création de la Région Autonome Daï du Xishuangbanna, en 1953, reconnaissait des qualités proches de celles pronées par le communisme, des communautés féodales Daï autorisant le maintien de certaines traditions. Les Réformes démocratiques à venir (Le Grand Bon en Avant, la Révolution Culturelle) se chargèrent de ramener le peuple Daï sous la loi commune du maoïsme le plus intransigeant. On connaît la suite : après des années catastrophiques où le Yunnan regressa sur tous les points, il fallu attendre, après la mort de Mao, les réformes de Deng Xiaoping de 1979 à 1981 pour que l'on revienne à une politique d'autonomisation des minorités telle que conçue dans les années 50, respectueuse des cultures, des traditions et des personnes.

Religion

Deux systèmes religieux cohabitaient chez les Daïs.
Tout d'abord, dans les campagnes, le chamanisme a perduré jusqu'à des temps très récents : culte de la forêt, de la nature, des éléments, faisant appel à des intermédiaires, mi-prêtres mi-guérisseurs, capables d'intercéder pour les vivants. Ce chamanisme a tiré le plus grand profit des richesses de la forêt tropicale, pour en exploiter autant les plantes que les animaux. La culture du thé de Pu'er prenait une place quasi-religieuse dans cette vision du monde, beaucoup plus médecine que boisson. Lorsque la culture intensive de l'hévéa a conduit à l'élimination brutale de la forêt à partir de la fin du 19e siècle, c'est la fibre religieuse des Daïs qui les a poussé à s'y opposer, mais en vain.


Les Daïs des villes et en particulier les notables étaient cependant de confession bouddhique depuis les tout débuts de la propagation de cette religion au Siam, c'est-à-dire depuis les premiers siècles de notre ère. Le bouddisme pratiqué se distingue de celui qui est répandu plus au Nord. C'est le bouddisme du Petit Véhicule (l'Hinayana), également répandu en Indochine, et non celui du Grand Véhicule (Mahayana), sous sa forme tantrique (Vajrayana), que pratiquent les Tibétains, les Mongols et à leur suite les minorités converties au Yunnan et dans les pays Hans. Le bouddisme du Petit Véhicule est plus centré sur l'individu qui réalise lui-même son salut tandis que, dans le Grand Véhicule, l'adepte a la charge également de sauver tous les êtres. La Révolution Culturelle a considérablement détruit les temples, mais chaque ville et chaque village se sont attachés à reconstruire ces larges bâtiments qui se distinguent par leurs toits, parés de multiples nappes de tuiles, élégamment étagées. Il n'est pas rare de croiser des bonzes à Jinghong ou dans les villes alentours et toutes bourgades possèdent des écoles confessionnelles où de jeunes moinillons viennent pendant deux ou trois années compléter leur culture et asseoir leur foi.

Architecture

L'habitation daï traditionnelle est encore bien visible au Xishuangbanna, peu dans les villes bien sûr où elle a été remplacée depuis longtemps, mais dans l'arrière pays où elle constitue encore la majorité des logements des petites villes. La maison daï est généralement assez vaste ; elle est construite sur un large plancher qui dégage, au niveau du sol un espace largement ouvert autour de l'escalier qui permet d'accéder à l'étage d'habitation. De gros piliers de bois soutiennent le plancher, souvent posés sur des soubassements de pierre pour les mettre à l'abri des rongeurs et de l'humidité. Cet espace de plain-pied avec la rue ou le jardin est de terre battue, abrité des pluies et du soleil, bien aéré. Il sera le lieu de la vie quotidienne : jeux des enfants, repas, discussions des adultes et refuge des aïeuls, travaux domestiques de couture ou de préparation des repas. On y rangera aussi quelques outils, et quelques animaux domestiques y partageront la vie commune : l'inévitable chien, des poulets en liberté ou à l'abri de cages d'osier en demi-sphères, une chèvre ou un mouton, parfois quelques porcs dans une bauge au coin le plus reculé). La voiture et la moto y trouvent naturellement place.

L'étage lui est véritablement le lieu d'habitation. On y accède par un escalier droit qui plonge directement dans la vaste salle commune sur laquelle peuvent s'ouvrir quelques chambres. Elle est parfois ceinte d'une galerie ou d'un balcon, ou s'ouvre sur l'extérieur par quelques fenêtres sans carreaux ni volet. Mais la pièce est sombre toujours carreaux car ces ouvertures sont rares et étroites. Le plafond est très haut au centre de la pièce.

Mais ce qui frappe tout d'abord dans l'habitation daï, ce sont les toits. Deux ou trois volées de tuiles, plates et noires, fortement pentues s'échappent d'un diêdre pincé en faîtière, orientées alternativement selon les deux directions du bâtiment, coupées parfois d'un balcon, dégageant souvent des pignons tiangulaires où s'inscrivent parfois des lucarnes. Sur les crêtes des toits, des guirlandes de dragons ou de phénix. Cette géométrie à la fois régulière et chaotique donne aux agglomérations une élégance bien particulière que ne perturbent pas les ammoncellements d'objets hétéroclites qui garnissent les balcons : étendages de vêtements, ustensiles de cuisine, nasses de pêche, réserves d'eau ...

Ville et société

L'habit daï traditionnel aussi est d'un autre monde que de Chine. Le sarong inspire tous les vêtements car le climat permet qu'un tissu léger couvre seul les corps. Les femmes agées le porteront en pagne sur un pantalon court. Pour les plus jeunes il sera porté en jupe sous une chasuble ou en robe, agrémenté souvent d'une pièce sur l'épaule, façon étole. Pour celles qui travaillent dans les champs, il est replié et passé dans la ceinture comme un tablier. En ville, les cheveux sont souvent libres, mais dans les campagnes les femmes portent généralement un petit foulard d'étoffe ou pour les plus agées un turban bas et court. Chacun de toutes façon porte en bandoulière un sac plat et rectangulaire, en tissu et de couleurs vives qui accompagne partout homme ou femmes.
Pour les hommes, le pantalon court, à peine au genou, est de rigueur, comme le gilet à manches courtes ou sans manches. La coiffe traditionnelle est un bandeau coloré orné d'un noeud volumineux retombant sur l'épaule.





eau

La Fête de l'Eau à Jinghong est aujourd'hui une grande manifestation populaire. Les cérémonies religieuses se déroulent dans des théatres réservés tandis que la foule se déchaîne au centre ville à grand renfort de cuvettes et de pistolets à eau. Pendant une semaine, chaque village du Xishuangbanna résonnera de cette liesse païenne, en souvenir du retour des pluies. Passant gare à la douche ! Ne seront épargnés ni les notables ni le clergé !

Les visites guidées

Les Daïs de Jinhong en tenues de fête


Vêtements et bihoux daïs :
dans les musées et dans les rues



Le petit bonus culturel

La pagode blanche de Menfeilong (10e S)

Le temple de Jingzhe (16e S)

Broderie traditionnelle (musée de Menglun)

Le parc botanique de Menglun


Le petit bonus spécial Fête de l'eau

Les lanternes volantes la nuit

Lampions sur le bassin du Palais Royal


henri

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© henri maître  - le 20 juin 2016