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Les Dongs de Zhaoxing et de Chenyang

Guangxi et Guizhou   - octobre - novembre 2011 -  Henri Maître

 

 

 

Minorité Dong ...  Dòng Zú en pinying

 

 

 

 

Carte de Chine

Les Dongs, au Guangxi, au Guizou et au Hunan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les autres minorités :

 

Près d'un million cinq cent mille Dongs occupent l'Est du Guizhou. A peu près autant se partagent entre le Nord du Guangxi et l'Ouest du Hunan. Quelques-uns se trouvent aussi au Viet-Nam, dans la province de Tuyen-Quang. Ils appartiennent à la famille linguistique Thaï-Khadaï et à sa sous-branche Kam-Thaï comme les Zhuangs, les Buyis et les Daïs (voir le tableau récapitulatif). On leur donne d'ailleurs aussi le nom de Kams, en particulier au Viet-Nam. Leur langue est particulièrement difficile car elle comporterait près de 15 tons (d'autres disent seulement 9) bien plus que le mandarin qui n'en a que 4. Elle n'est pas écrite quoiqu'elle ait été plus ou moins transcrite en caractères latins au 19e siècle. Mais cette forme écrite ne sert qu'aux rituels et à l'enseignement et n'est pas partagée.

 

Un peu d'histoire

  Les Dongs font remonter leurs origines au Royaume de Yue qui a régné sur le Sud de la Chine au premier millénaire avant notre ère (voir le tableau chronologique). Ils ont très probabablement contribué au royaume de Yelang qui tenait solidement le Sud du Guizhou. On les retrouve ensuite au sein du peuple Liao (ou Rau ou Xidong) jusqu'au 7e siècle. En 618, sous la dynastie Qin, guidés par la princesse Sha Sui, dans une marche vers l'Ouest, ils gagnent les montagnes afin d'échapper à l'emprise d'un Empire Han qui s'occupe trop d'eux. Amenés à confirmer leur appartenance à l'empire du Milieu, ils entrent plusieurs fois en lutte contre les Hans au cours de la dynastie Ming tout d'abord. Entre 1372 et 1378 ces conflits prennent forme de rebellions, puis un conflit armé voit s'affronter le roi Mian, à la tête de 200 000 soldats Dongs à 300 000 Hans. Les Dongs sont battus et leurs villages pillés et détruits. Le commandement des chefferies mis en place depuis les dynasties mongoles leur est confisqué. L'installation programmée de soldats/paysans Hans sur les meilleurs terres Dongs s'intensifie sous la dynastie Qing, créant de nouvelles révoltes où les Dongs s'allient aux Miaos dans un cycle très dur de reconquètes/représailles.

  La révolte des Taïpings à laquelle les Dongs prirent une part active est emblématique de ces conflits inscrits dans une longue tradition de luttes du monde antique mais porteurs des premiers signes du monde moderne. De 1851 à 1864, le « Royaume Céleste de la Grande Paix » a porté à la fois les espoirs d'indépendance des Minorités et les aspirations à plus de justice sociale et plus d'ouverture spirituelle d'une petite élite d'intellectuels. Elle démarre dans le Guangxi, à la fin de la première guerre de l'opium et s'appuie tout de suite beaucoup sur les minorités, les Akkhas et les Zhuangs principalement. Les Dongs s'engouffrent dans cette révolte qui promet une redistribution des terres. Alliés des Miaos, en marge de l'armée des Taipings, ils remportent des succès militaires de 1855 à 1862 à Tianzhu, Wazhai et Congjiang. Mais le Royaume Céleste porte ses pas plus à l'Est, à Nanjing dont il s'empare ; le rôle des Dongs devient alors marginal. Peu importe, après l'écrasement des Taipings, une fois encore les Dongs sont du mauvais côté. Ils subissent encore les représailles, les persécutions les razzias et retournent à la misère. Un peu plus tard, pendant la République, dans les années 1925, ils sont mis en coupe claire par les Seigneurs de la Guerre venus du Sichuan et du Yunnan. Ils voient aussi passer l'Armée Rouge fluant et refluant dans des combats incertains. On dit alors que les Dongs leur portent spontanément assistance. Ainsi s'écrit l'histoire ! Reconnus comme Minorité dans le grand recensement de 1949 ils obtiennent alors que leur principale région reçoive le statut de préfecture autonome qu'ils partagent avec les Miaos (préfecture autonome de Qiandongnan à Kali) (voir sur ce point l' introduction aux minorités). Comme les autres Minorités, le Grand Bond en Avant les plonge dans une misère terrible qui annihile les maigres progrès et éteint les espoirs soulevés par le Communisme naissant. Il faudra attendre les années 80 pour que le peuple Dong reprenne droit de cité et se reconstruise péniblement.

 

Villages et constructions

  Les villages Dongs sont traditionnellement installés au fond des vallées, au bord d'une rivière. Les vastes maisons de bois sont très serrées. Elles ont généralement au moins un étage. Des galeries courent sur la façade. On y fait sécher le maïs, le riz, parfois le foin. Mais on s'y installe aussi pour travailler à la saison des pluies. Les toits sont couverts de tuiles rondes et noires. On accède au village en traversant les rivières par les "Ponts du Vent et de la Pluie". Ces élégantes constructions marquent de fait la frontière du village et ils abritent pour cela les esprits qui le protègent et que l'on viendra honorer lors de processions. Ces ponts sont constitués de galeries couvertes ornées de chapiteaux à chaque extrémités. Les villages rivalisent pour les rendre plus élégants. Les plafonds ou les linteaux sont peints de saynettes de la vie quotidienne, de scènes de nature ou de figures édifiantes de sages. Parfois des statues les ornent. Ils abritent souvent des bancs et reçoivent des marchands de légumes, de fruits ou de souvenirs. C'est aussi un lieu de rencontre et de discussion. On y pratique volontiers la musique, en particulier le lucheng et le violon à 2 cordes. Les Ponts du vent et de la pluie font la renommée du pays Dong. En raison des conditions climatiques (les débordements de rivières sont fréquents en saison de pluie) ceux que l'on voit aujourd'hui ne sont pas très anciens, guère plus d'un siècle pour les plus vieux, mais les habitants s'obligent à les refaire à l'identique et l'on construit encore aujourd'hui de beaux ponts de bois qu'il faut ensuite teindre et patiner pour les accorder au village auquel ils conduisent.

  Un même soin est porté à la "Tour du Tambour" qui trône sur la place de chaque village. Les plus modestes n'ont guère que 3 ou 4 niveaux et sont surtout de bois, tandis que les plus importantes en ont plus de 12 et s'appuient sur des piliers de pierre. Les édifices de bois sont montés traditionnellement sans employer de clou, par un savant assemblage de tenons et mortaises, sur un plan de base carré qui se développe ensuite en octogone. Là encore les poutres accueillent des scènes peintes assez naïves ou des petits poèmes. Chaque étage est couvert d'un toit qui se rétrécit régulièrement, formant pyramide. Les parties extrèmes de chaque toit sont sculptées de dragons, de lions ou d'oiseaux. Le tambour occupe le centre de l'étage inférieur : il est de bois et de cuir de boeuf. Son usage est très réglementé et seuls les anciens peuvent le faire résonner. Largement ouvertes, les tours sont vraiment le coeur de la vie villageoise. Elle s'accompagnent souvent d'une salle municipale où se jouent des piécettes de théatre. Dans les grandes bourgades, chaque quartier dispose de sa tour.

 

Religion et société

  La société rurale ancienne des Dongs utilisait une forme particulière de vie collective et de défense s'appuyant sur les kuans, c'est-à-dire des alliances de plusieurs villages formant réseaux. Le chef d'un kuan était choisi tous les ans après la moisson. Il s'assurait que les lois coutumières étaient respectées pour la gestion aussi bien des terres que des familles, pour l'irrigation, le partage des tâches collectives. Ses pouvoirs s'étendaient parfois sur de très vastes régions pour les plus importants. Les hommes y étaient armés et défendaient ensemble toutes les terres en cas de besoin, constituant de véritables petites armées. Les kuans ont peu à peu disparu au début du 20e siècle.

  Les Dongs ont la réputation d'un peuple rural accueillant et vivant en bonne entente avec ses voisins. Ils pratiquent une vie sociale intense où la solidarité est de rigueur. Tous les travaux (construction de maison, culture, irrigation) sont faits en communauté. Les Dongs sont animistes et vouent un culte profond aux ancêtres. Les défunts sont enterrés en des sites choisis avec une grande attention pour leur assurer un passage facile dans le monde de l'au-delà. Les Dongs vénèrent de nombreux esprits dans la nature, l'eau, les arbres, les nuages, mais aussi dans leurs constructions et en particulier les ponts et les tours. La Déesse-Mère est parfois appelée Sheng Mu, mais son nom est différent ici et là et ses attributions assez variées. Les Dongs empruntent également des traditions au taoïsme et dans certains endroits au christianisme car ils reçurent de nombreux missionnaires au début du 20e siècle. Médecine et religion étaient affaires de chaman ; il est encore souvent consulté de nos jours en place du médecin.

  La société Dong est monogame et les divorces rares. Les mariages se constituaient à l'initiative des jeunes, après des périodes de fréquentation assez libre. La pratique de "l'enlèvement de la mariée" (très répandue chez d'autres minorités) semblait aussi avoir cours, au moins en manière de tradition festive. Souvent les mariages n'étaient officialisés qu'à la naissance du premier né. La transmission des terres et des maisons se faisait par les fils, la fille étant dotée de bijoux et d'un pécule lors de son mariage. Le rang de la femme restait inférieur à celui de l'homme et la naissance d'un garçon s'accompagnait de cadeaux plus importants que la naissance d'une fille. Au cours des premières années de leur vie commune, l'épousée pouvait retourner pour d'assez longues périodes, vivre chez ses parents afin de les aider. Eventuellement le couple pouvait s'installer provisoirement chez eux.

  La base de la nourriture des Dongs est le riz gluant. Traditionnellement, s'y ajoutent des légumes et de la viande séchée et salée conservée dans de grandes jarres. Les poissons, élevés dans les rizières, sont aussi assaisonnés de cette manière (voir F. Grenot Wang pour plus de détails sur cette façon de conserver les aliments). Les Dongs sont de bons agriculteurs. Ils font aussi pousser des arbres (ce qui est rare en Chine, où l'on sait par contre bien les couper !) ; en particulier ils plantent des sapins qui contribuent à la construction des maisons. Le "sapin de 18 ans" est traditionnellement planté à la naissance d'un enfant pour être coupé (18 ans plus tard) pour bâtir sa maison.

 

Costumes et bijoux

  Les tenues de fête des femmes Dongs sont assez semblables à celles des Miaos : jupe plissée à mi-cuisse, guêtres brodées, veste à manches amples. L'indigo est omniprésent, donnant aux tissus ces reflets violets métalliques si typique du Sud de la Chine. Les broderies nombreuses empruntent à la nature : oiseaux papillons, bouquets. Les bijoux sont d'argent, lourds et nombreux : torques massifs, ciselés, colliers alourdis de guirlandes de pièces, piques portant des oiseaux ou des fleurs dans les cheveux portés en chignon tordu sur l'arrière de la tête, anneaux aux oreilles ... Les coiffes sont légères mais souvent gigantesques ; des banderilles garnies de boules colorées les étendent au delà des rangées de petits poissons d'argents ou de feuilles argentées. Les petites plumes blanches des duvets de poulets sont beaucoup utilisées, soit dans les coiffes, soit en tresses dans les ceintures et les rubans. Hors les jours de fête, les femmes portent plus simplement un foulard blanc sur la tête, une grosse blouse de tissu bleu ou noir.

  Les hommes sont aussi habillés de costumes sombres, blouses et pantalons amples, réhaussés d'un liseret ici et là rouge ou bleu. Leurs coiffes, constituées d'un curieux turban tordu en prou de navire, se terminent par un baupré souvent garni d'une plume. Une chaînette d'argent ou de pierres colorées descend sur le front comme le câble d'une ancre. Les sandales des femmes, comme celles des hommes, ont des semelles de coton cousues en couches successives.

 

Traditions

  Hommes et femmes s'adonnent volontiers au chant et à la musique. Les lushengs, orgues à bouche en roseau et bambou, constituent la base de l'harmonie. Ils adoptent toutes les tailles, les plus petits (20 ou 30 cm), souvent joués par des femmes, les plus grands (2 m au moins), ornés de drapaux invariablement rouges, ferment les marches. Des petits banjos à deux cordes, parfois un violon chinois (erhu), quelques flûtes, dotées d'un gros corps, complètent l'harmonie. Toutes les musiques s'accompagnent de chants, souvent par des choeurs nombreux ; pour cela, le pays Donc a été appelé "l'océan des chansons" (F. Grenot-Wang).

  Les fêtes des Dongs sont assez semblables à celles des Miaos. Elles culminent avec la fête des lushengs qui prennent place au début de la nouvelle année, en novembre. Des fêtes accompagnent les moissons. Une fête très populaire est consacrée aux buffles qui constituent la force motrice indispensable au travail des rizières. Des combats de buffle sont d'ailleurs organisés tout au long de l'année. Très codifiés, ils n'ont pas de conséquences sur la santé des bêtes qui s'affrontent cornes contre cornes jusqu'à se faire reculer.

  Plusieurs musées accueillent les souvenirs des traditions Dongs. Au Guizhou, on retiendra le musée Minzhu (des Minorités) de Kaili, essentiellement centré sur les Miaos et les Dongs,. On évitera celui de l'artisanat, très commercial. Le musée Minzhu de Guyiang est moins spécialisé, mais cependant très bien doté.

Les visites guidées

 

A la rencontre des Dongs



Le village des Dongs

 

 


Tissus, Bijoux et Costumes

 

 

 

 

 

Les petits bonus

Paysage de pays Dong autour du village de Tang'An

 

 

Enfants Dongs dans un petit village


henri

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© henri maître  - modifié le 20 février 2017