La situation a beaucoup évolué à la chute des Qing. Les minorités se sont retrouvées au centre des conflits qui ont agité la jeune République de Chine souvent sur leurs territoires mêmes. Embrigadées par les Seigneurs de la Guerre loin de Pékin ou tentées
de retrouver une indépendance longtemps espérée, converties alternativement aux thèses républicaines ou communistes, elles ont été courtisées par les deux camps qui leur ont promis des lendemains enchantés en échange de refuge ou de droit de passage sur
leurs terres. Après leur victoire, les Communistes, appliquant leur programme d'assistance aux plus démunis et engagés auprès de certaines minorités par des accords passés durant la Longue Marche, ont décliné un programme spécifique à l'attention de ces
minorités.
En 1949, lors de la construction de la République Populaire de Chine, on comptait plus de 1000 groupes ethniques différents. La
constitution leur reconnait à tous la même citoyenneté par le droit du sol. Le politique a souhaité les distinguer par le
droit du sang, de façon qu'ils participent officiellement à l'administration des territoires là où ils sont
majoritaires, suivant en cela l'exemple ancien des tusis qui avaient permis, dans les siècles passés, d'attacher progressivement à l'empire
les ethnies des marches.
A la suite d'une gigantesque enquête de géographes, d'historiens, de linguistes et de sociologues, ces ethnies ont été
regroupées officiellement en 55 minorités en 1949, à partir de critères essentiellement ethno-linguistiques. Les regroupements ont bien sûr mis dans une même case des sociétés qui se sentaient profondément distinctes et dont il n'est pas clair qu'elles aient été profondément consentantes comme le proclamment les textes. Nous aurons donc l'occasion
de nous écarter de cette classification de 1949 pour distinguer des groupes qui nous semblent particulièrement
saillants.
Les 3 subdivisions administratives d'une province : préfectures (meng), districts (xian) et cantons (sumu), peuvent ainsi être "autonomes" si elles abritent une shaoshu mínzú qui y est majoritaire. Les édiles
sont alors issus de la minorité dominante, même si, en pratique, leurs pouvoirs sont fortement encadrés.
A ces droits collectifs peuvent s'ajouter des avantages individuels : accès facilité à l'enseignement et aux soins par exemple. Des exemples particulièrement éclairants de ces droits sont exposés par exemple dans
B. Vermonde.
Nous ne nous attarderons pas sur les aspects négatifs associés comme, par le passé, les mesures ciblées
affectant la pratique des religions ou, plus récemment, les limitations des déplacements à l'étranger. La presse
s'en fait encore régulièrement l'écho concernant les Tibétains et les Ouighours en particulier.
Sans surprise, c'est à la périphérie de l'empire chinois que l'on retrouve aujourd'hui ces minorités, progressivement repoussées comme "barbares" dans les terres les moins hospitalières. Beaucoup se sont également établies dans les pays frontaliers : VietNam, Laos, Birmanie, Thaïlande, Tibet, Russie, ...
Nous ne serons intéressés ici que par les minorités du Sud-Ouest, c'est-à-dire, tout d'abord, celles occupant les trois provinces du Guizhou, du Guangxi et du
Yunnan, provinces où elles sont particulièrement concentrées. On y compte en effet 36 des 55 minorités sur un territoire
à peu près vaste comme la France. Nous déborderons souvent sur le Sichuan, le Hunan et le Hubei qui les bordent au Nord mais sont plus majoritairement Hans. Nous serons
amenés à traverser les frontières pour suivre les ethnies au Nord du Viet-Nam et du Laos, en Birmanie, voire en Thaïlande et plus à l'Ouest au Tibet.
Si l'on s'étonne que des cultures aient traversé des siècles d'une histoire particulièrement chargée pour nous parvenir aujourd'hui dans un si exceptionnel
état de fraicheur, il faut se rapporter à la géographie de ces pays, pays de montagnes karstiques, aux pentes abruptes,
aux vallées profondes et hermétiques. Repoussées hors des plaines d'échange, les minorités ont trouvé dans ces lieux l'isolement et l'oubli qui leur ont permis de cultiver et d'affermir leur identité.
Ces territoires sont cependant traversés par la variante Sud de la route de la soie et les grands axes
"Cochinchine-Tibet" d'une part et "Thaïlande-Chine Centrale" d'autre part, s'y croisent. C'est aussi dans ces paysages
que coulent 4 grands fleuves : le Yangtsé, le Mékong, le Fleuve Rouge et la Salouen. De leurs refuges montagneux, les
minorités ont tout loisir de contempler l'avènement progressif des grands courants commerciaux. Certaines ne se
priveront pas d'y participer.
Un mot enfin des climats qui sont d'une étonnante variété, d'une part en raison de l'étalement en latitude, d'autre part
en raison de l'altitude. Les montagnes et les plateaux du Nord Yunnan et du Sichuan, souvent à plus de 4 000 m, subissent
des hivers très rudes et leurs étés ne sont jamais très chauds. Au contraire le Sud, en particulier le Xishuangbanna, a
un régime franchement subtropical, exposé toute l'année à de fortes températures et l'été à des pluies constantes,
propices à une végétation luxuriante. Les plaines plus centrales, proches du Hubei et du Yunnan ont un régime continental
à deux saisons très marquées tandis que les plateaux autour de Kunming ou les collines du Guizhou bénéficient d'un climat
doux qui leur vaut le qualificatif de "quatre printemps".
Il est difficile de remonter loin dans l'histoire au sujet des minorités. La plupart d'entre elles n'ont pas de tradition
écrite et confient à la seule narration le soin d'informer de leur passé les générations futures, bien souvent
selon des versions très romancées. Par ailleurs, si les Hans ont conservé assez bien, eux, la mémoire de leurs
contacts avec les minorités, ils ont systématiquement adopté un point de vue très biaisé, conforme à la culture
confucéenne, considérant ces ethnies comme barbares et indignes d'intérêt. Leurs évocations des contacts qu'il
ont eus consistent souvent à narrer les seuls évènements qui les concernent et surtout s'ils leur sont favorables.
Enfin, l'historiographie chinoise contemporaine, la plus qualifiée pour interpréter textes et fouilles,
est très politisée.
Excepté les fossiles proto-historiques, c'est généralement à deux ou trois millénaires avant notre ère que remontent les vestiges les plus anciens de peuples présents dans ces montagnes, témoignant de la présence de sociétés bien organisées :
sépultures et outils, attestant de la maîtrise des métaux. Plusieurs royaumes indépendants apparaissent alors.
Le Yue en est le premier exemple, occupant largement le Sud de la Chine et le VietNam, (donc le Guizhou
et le Guangxi) s'étendant parfois jusqu'au Yunnan au gré des conquètes. Sa capitale est tout d'abord près
de l'actuel Langya (Anhui). Elle sera transférée près de Shanghaï. Yue émerge au début du premier millénaire
avJC comme un état indépendant, il se frotte aux embryons de l'empire chinois, participe même aux Etats Combattants
après avoir annexé l'un d'eux, est battu en 250 avJC et éclate progressivement en 3 états, certains rattachés aux Hans,
d'autres, repliés au VietNam, indépendants.
Au Nord-Ouest de Yue, dans l'actuel Guizhou, apparait le Royaume de Yelang, à la fin du 3e siècle avJC, en révolte
contre les Hans, qui réussit à se maintenir un siècle indépendant environ avant d'être balayé par les armées de
l'empereur Wu.
Le Royaume de Dian, est un autre exemple. Il bâtit, sur les bords du lac du même nom, au Sud de Kunming,
une société très raffinée qui occupa probablement tout le Yunnan pendant 400 ans avant notre ère et se montra
particulièrement habile dans l'ouvrage du bronze. Ses populations étaient probablement des ancêtres des Zhuangs, des Yis
et des Pumis.
On trouve ensuite un pointillé de faits avérés : batailles surtout, mais aussi établissement durable dans des
sites précis de commanderies Hans jusqu'aux rives de la Salouen, traîtés, attestés par l'érection de bornes
ou de monuments solennels, sceaux attribués à des fonctionnaires en charge d'administrations, routes ou ponts
rapportés sur des peaux de mouton ou des bambous, dont il reste parfois des traces.
Ils traduisent tous une occupation régulière du sol, une activité soutenue d'échanges entre la Chine centrale
d'une part et le bassin du Siam ou l'actuel Vietnam, des mouvements successifs de migrations et d'invasions,
venus aussi bien du Nord, que de l'Ouest ou de l'Est : les débordements des Tibétains dévalant de leurs plateaux,
les grandes invasions mongoles aux treizième et quatorzième siècles, puis les poussées Hans de la dynastie Ming
au dix-septième siècle, accompagnées d'expéditions navales préparées au Yunnan et dirigées vers le Siam, les
progressions mandchoues des Qin aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Tous ces brassages d'ethnies diverses
ont été autant d'occasions de rebattre les cartes de l'accès aux bonnes terres (le long des fleuves et dans les vallées), ou au contraire de peupler des terres d'exil, au fin-fond des montagnes, sur les pentes abruptes ou les plateaux froids.
Deux états explicitement établis par des minorités se détachent de ces périodes assez confuses : le royaume de
Nanzhao et le royaume de Dali.
Nanzhao est né des faiblesses des dynasties Jin et Tang, incapables de maintenir la domination Han sur le Yunnan et
laissant émerger six petits états dissidents que Piluoge, roi Taï de l'un d'eux (une ethnie qui donnera probablement
naissance aux Yis), unifia en 718.
Sa capitale fut établie à Dali. Il mena campagne contre les Tibétains et les Yis qu'il réunit pour partie au royaume de
Nanzhao. Son successeur, Geluofeng, officiellement vassal des Hans, remporta deux batailles importantes contre
ceux-ci et se dégagea de l'emprise Han, profitant des faiblesses de l'état central. Alliée tantôt des Hans, tantôt
des Tibétains, la dynastie Nanzhao entreprit une extension systématique au Sichuan et au Guizhou vers le VietNam.
Mais ces extensions en le fragilisant, hâtèrent sa perte et la dynastie Nanzhao succomba en 902 après l'assassinat
de son dernier roi.
De ses morceaux et d'une période trouble qui succéda à sa chute, émergea le Royaume de Dali, dirigé par l'éthnie Baï,
en 937. Moins expansionniste que Nanzhao, il s'accomoda d'un statut de vassal (très théorique) de l'empire Han et
ménagea des voisinages pacifiques avec ses voisins. Il se maintint dans cette situation prospère, profitant d'une
situation idéale pour contrôler les flux commerciaux des grandes routes qui le traversaient. Mais mal préparé à la
guerre, il succomba au déferlement mongol de Kubilaï Khan, en 1253.
Les dynasties Yuan (mongole) puis Ming (han) rétablirent la loi de l'empire sur les provinces "barbares", accordant
de larges rôles aux élites locales à la condition qu'elles ne manifestent pas de tentations séditieuses. Les "tusis"
(gouverneurs régionaux) furent fréquemment issus des ethnies les plus fiables (Tsujias, Baïs, Naxis) et l'empire
confia à ces minorités le soin de protéger ses frontières.
La situation change notablement au dix-neuvième siècle. La dynastie mandchoue Qing, après avoir tout d'abord
suivi la politique de "cogestion" des Ming, adopte une politique intensive de sinisation. Les postes de
responsabilité sont systématiquement "hannisés", les sols dans les zones les plus accessibles sont attribués à des
colons déplacés, rejetant à contrario les plus ardents résistants à cette assimilation dans des fiefs puissants et rebelles, en révolte contre la dynastie mandchoue et terreaux fertiles d'une propagande européenne, en quête de zones d'influence et donc, bien sûr, subversive ...
Un exemple notable est l'éphémère Sultanat Hui "PingNan Guo" (1850-1873), né de l'exaspération de
populations musulmanes tout spécialement en butte à la suspicion et aux brimades. Il finit écrasé dans le sang.
Plus complexe est le cas du Royaume Daï, dans l'extrême Sud du Yunnan, né d'une dissidence, au début du
18e siècle, des peuples vivant à cheval sur la Chine, la Birmanie, la Thaïlande et le Laos, et régulièrement réinvesti
par les armées impériales. La dynastie des Si s'y maintint jusqu'à la République Populaire, traversant opportunément les
frontières en cas de péril, mais contribuant à la défense de l'Empire face aux intrusions européennes ou à l'offensive japonaise. Le dernier Roi Daï, est décédé en 1956.
Dans une lutte coloniale particulièrement sévère entre Anglais et Français,
la voie du Mékong et les routes de la Birmanie apportaient la bible, les armes,
l'imprimerie, la seddition et le pavot. Elles repartaient des montagnes du Yunnan chargée de soie, de thé puer,
de laques et parfois s'en allait raccourcie d'une tête après avoir semé la rebellion, l'eucharistie et l'alphabet latin.
La république-empire au début du vingtième siècle est le moment rêvé de tous les excès : l'opium a totalement
remplacé le thé sur le dos des petits poneys, les chefs de village sont tous devenus chefs brigands car s'ils
ne l'ont fait, leurs villages ont été mille fois pillés. Les rackets se multiplient des uns ou des autres,
mais toujours au détriment des mêmes. Lorsque les forces en présence deviennent plus claires,
certains rejoignent le Guomintang qui veut reconstruire l'ordre et la propriété, d'autres, au contraire, cet aventurier
de Mao Zedong qui a la bonne idée de dénoncer la main-mise sur les bonnes terres par les nantis. Aucun ne s'alliera
aux Japonais qui peinent à s'installer sur ces terres loin de leurs bases et méprisent copieusement ces barbares.
La République Populaire de Chine affirme en 1949 l'égalité des peuples vivant sur son territoire ; elle met fin aux
féodalités, à l'esclavage (encore bien présent), affirme même les droits des minorités à procéder elles-mêmes à leur
gouvernement là où elles sont majoritaires, introduit des éléments d'éducation et de santé publique, améliore
l'approvisionnement des zones isolées. En échange elle impose des règles communes qui chassent les coutumes ancestrales,
elle impose le mandarin comme langue administrative, refoule les religions établies (bouddisme, confucianisme, taoïsme) autant que les émergentes (islam, catholicisme) et
pourchasse l'animisme, réquisitionne les terres, impose le regroupements des populations et la vie en communauté, fait
disparaître les structures anciennes de la vie sociale lorsqu'elle ne peut pas s'appuyer sur elles et, bon gré mal gré,
favorise l'implantation de Hans qui maîtrisent la langue et accèdent facilement à l'éducation.
Le communisme est cependant plutôt bien accueilli et plutôt soutenu (pas partout certes, les mémoires se souviennent de
révoltes et de purges) au cours de ces "Réformes Démocratiques" (le Grand Bond en Avant), jusqu'à la
Révolution Culturelle qui lamine les esprits,
disperse les familles, ruine commerce et artisanat locaux par des règles aussi originales qu'arbitraires, répand la misère
dans les campagnes, détruit systématiquement les forêts et le cheptel par des obligations collectives inconsidérées.
Les traditions culturelles (fêtes, cérémonies) sont bannies et les outils des religions (autels, temples) convertis à des usages païens. Les
minorités, quoique loin du pouvoir, paient à prix fort les visions éclairées du grand Timonnier.
Le chemin est long ensuite pour reconstruire le pays après les réformes de Deng XiaoPing de 1979. Les terres
pauvres des minorités ne sont pas prioritaires dans l'effort national, mais à leur égard, le pouvoir est
beaucoup plus favorable que pendant l'ère des réformes et beaucoup plus conforme à l'esprit de la
Révolution Populaire de 1949. Les nouvelles lois sociales incitent à une relève des minorités, mais
les règles économiques ont la priorité. Le Guizhou, le Guangxi, le Yunnan sont les marches de l'empire ;
on s'en méfie un peu car elles furent turbulentes et mal-contrôlées. Ces provinces se traînent donc en queue des
investissements nationaux, malgré des richesses minières et forestières dont la Chine a bien besoin, mais
qu'elle exploite de façon presque coloniale, expédiant sur place de grandes entreprises qui fonctionnent
pilotées de Beijing, sans grande considération pour les intérêts locaux qu'ils soient financiers, humains
ou environnementaux. Il faut attendre la fin du vingtième siècle pour que soient adoptées des
politiques de mise en valeur du grand potentiel des minorités. Les gouvernements "autonomes" sont un peu
plus autonomes, un système éducatif est mis en place pour favoriser la formation d'une
jeunesse issue des minorités, bien armée pour affronter le monde moderne plutôt que s'exporter vers les gouffres à main d'oeuvre de Chengdu, Kunmin ou Canton. Ce système culmine avec des Universités des Minorités qui visent à fournir des cadres à l'agriculture, l'artisanat, le commerce et l'administration.
Le 21e siècle avec le grand bond économique de la Chine, plonge les minorités dans une nouvelle
phase de développement. Les vallées sont désenclavées à marche forcée,
des autoroutes partent à l'assaut des montagnes les plus reculées, doublées de trains rapides et
des aéroports sont ouverts au commerce national tout d'abord mais bien vite
international. Le moindre village est maintenant accessible aux commerçants et aux investisseurs
Hans qui apportent des machines à laver, des téléviseurs, et des
panneaux solaires, là où bien souvent il n'y a pas d'eau sur les éviers de pierre, pas de mobilier
dans les pièces uniques, où l'âtre est encore fait de trois pierres plates
au centre de la pièce où bout une éternelle marmite. En retour les villageois sont maintenant aux
portes des usines après juste 4 heures (ou huit heures, ou trente heures ...) de bus. Les recruteurs
passent en camion dans les villages ramasser les bras valides et les petites mains diligentes.
Les villages se vident de tous les potentiels. Les femmes les premières fuient loin des tâches
harassantes et inconfortables de la campagne pour nettoyer de nuit les
supermarchés ou souder des circuits imprimés, tandis que les hommes rejoindront un hypothétique
chantier dans la banlieue d'une capitale régionale. Et les yéyés et les naïnaïs
se retrouvent six mois par an en charge des bambins, si ceux-ci ont la chance d'avoir encore des
grands-parents en vie ...
Les autoroutes apportent aussi les touristes car bien vite l'Administration a vu le parti à tirer de
l'exhubérante variété des traditions locales. Tourisme à la chinoise
principalement, c'est-à-dire tourisme de groupes disciplinés qui veulent trouver sur la place du village
toute la tradition des Dongs, des Miaos ou des Muosus, résumée et
condensée en un show unique de deux heures où l'on associe les danses, la musique, les costumes et
les vieilles légendes. L'architecture, soigneusement reconstruite, l'artisanat, la
cuisine ainsi que les principales traditions seront aussi à portée de main dans des boutiques ou
des musées, particulièrement soignés, pour les plus intrépides d'entre-eux, ceux qui pourront
échapper une demi-heure à la vigilance de leur cornac. Mais hors de ces trajets balisés, c'est
encore beaucoup l'inconnu, ignoré des guides, des cartes, des agences de voyage et même d'internet qui sait
tout, mais pas ça ...
La fin des minorités ? Peut-être pas ... car il faut bien le dire, elles tiennent bon ces minorités
(on dirait aujourd'hui qu'elles sont drôlement résilientes !). Parcourez
ces petits villages, quittez les grands-places, perdez-vous aux bordures des champs, là où les
programmes de reconstruction n'ont pas encore fait passer leurs pelleteuses, vous
trouverez encore des maisons anciennes, de bois noir ou de pierre, les toits couverts de tuiles,
de chaume ou de dalles de lauzes, une charrue à main devant la porte.
Au soir, revenant des champs, les hommes et les femmes, poussant une poignée de canards ou une vache,
porteront encore la tenue qu'arboraient leurs grands-parents, rapiécée, tachée, mais authentique ...
Si vous tombez par chance sur un marché dans un village perdu, vous verrez que la variété des vêtements
est plus riche encore, issue des divers villages alentour. Vous verrez
les panières d'osiers accrochées au bras des marchandes de champignons, les petits chevaux secs,
portant des brassées de légumes, des hommes burinés en vareuses bleues et
casquettes de fourrure faisant rissoler des canards fendus en deux, et au dos des jeunes mères, coiffées
d'invraisemblables couvre-chefs, des bambins émergeant parmi les feuilles de choux. La fierté d'être de
telle ou telle minorité est évidente partout et chacun est fier de le proclamer. Les fêtes collectives antiques (celles
des Torches, de l'Eau ou des Lushengs) rassemblent des milliers de participants, tous revêtus des vêtements de leur
village, doivent-ils pour cela faire trente heures de routes en minibus ou sécher une semaine de cours à la fac. On
dit aussi (cf. B. Vermonde) que les écoles ont repris leurs
cours en langues locales et que des écritures anciennes même, comme l'écriture des Yis, s'y enseignent
aujourd'hui à tout le monde et non plus aux seuls bimos comme par le passé.
Sans être tout à fait une renaissance, ce mouvement laisse à penser que, quoiqu'elle soit totalement incompatible
avec le "village mondialisé" que nous promettent nos futurologues, la structure ancienne des minorités perdurera
encore durablement dans les mentalités, pour le plus grand bonheur d'une diversité sociale qui, quoiqu'on en dise, est bien au moins aussi importante que la diversité de la botanique.
Mais pour cela il faut qu'elles aient fait allégeance au grand peuple Han, qu'elles aient accepté de rejoindre le fleuve millénaire du tianxia, qu'elles proclamment haut et clair la clairvoyance
du PCC pour déterminer les chemins de l'avenir, ainsi en a décidé le grand Xi en 2013 et les dissidents qui ont la mauvaise idée de penser autrement passent des heures sombres.
Les populations des minorités les plus nombreuses de Chine du Sud et celles des
autres minorités (recensement de 2000) - les populations Mandchoues, Huis, Mongoles, Coréennes, Ouïghours, quoique présentes
en Chine du Sud, mais résidant majoritairement sur d'autres territoires ne sont pas rapportées ici.
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courte bibliographie |
chronologie des dynasties chinoises |
classification des minorités> |
les divers musées des minorités