ici, la visite en images

L'ancienne préfecture de Huizhou et le village de
Yuliang : le leg de l'histoire, Le petit village de Hongcun, son étang et son bassin

Huang Shan : pluie et brumes sur les Montagnes Jaunes,
trésor de la Chine

L'Anhui, province de l'Est de la Chine, à une
encablure de Shanghai

Carte de l'Anhui et
localisation des
sites visités
petit bonus d'images

conseils aux photographes

Le barrage de YuLiang

Au sommet des Montagnes Jaunes

Tao Xingzhi (1891-1946),
grand pédagogue moderne, néo-confucianien, né à Huizhou |
L'Anhui est partagé par le YangTsé entre un grand Nord, autour de sa
capitale Hefei et un petit morceau au Sud-Est, longeant le Zhejiang et
le Jianxi. Le petit bout du Sud-Est est riche de hauts-lieux de
tourisme, les très célèbres Montagnes Jaunes, et une floppée de petites
villes marquées d'histoire, parfaitement oubliées des guides. Ajoutons
pour faire bon poids des sources chaudes et des paysages de forêts et de
plaines basses somptueux, surtout en ces temps d'automne et nonobstant
une pluie persistante.
Huizhou
La ville de Huizhou est malheureusement un lambeau mal échappé à
l'histoire. Ancienne préfecture en des temps lointains d'une région très
prospère, elle s'est dotée d'impressionnantes fortifications pour
abriter une administration qui a très largement disparu, à l'exception
d'un palais de justice refait "à l'ancienne" avec une énergie et un
souci du neuf désarmants. Les fortifications s'ouvrent par une très
belle porte forte et un portail de pierre à huit dragons qui témoignent
seuls du passé (et encore, ils ne doivent leur survie au siècle
précédent que pour s'être ornés de calligrammes à la gloire du grand
bond en avant). Franchies ces ouvertures, un œil exercé retrouvera dans
la cité dense de maisons de deux ou trois étages, le tissu serré et
régulier de la ville antique, mais les toits seuls en sont encore
anciens et l'étage supérieur, parfois, par chance, car le reste est
uniformément sacrifié au petit commerce local, sans le moindre souci de
sauver les apparences comme c'est très bien fait en d'autres lieux (
PingYao,
Lijiang,
Dali).
Pourtant des corniches de pin sculptées, des vantaux de
bois en parade de balcons, des volets encore ciselés, une porte
étroite de pierre brune, précédée d'un portique à double encornement
laissent imaginer un passé superbe. La ville est très fière d'être le
berceau de l'éducation classique, ayant formé plus de fonctionnaires pour
l'empire que toute autre et se targuant aujourd'hui encore d'être la
grande pourvoyeuse d'académiciens. Il faut croire qu'en nos temps
cruels, l'éducation, si bonne soit-elle, ne sauve pas la mémoire du
petit bizeness.
La préfecture de Huizhou est associée
également à l'essor du commerce en Chine. Elle fut le berceau de l'une
des deux lignées de marchands, lignées qui servent
aujourd'hui encore de référence dans le commerce chinois. Le marchand
Jin est né à PingYao, il est à l'origine du marchand d'affaires dont le
métier s'appuie largement sur la banque, qu'il a inventée,
avec les crédits, les billets de change, la monnaie et les réseaux d'appui politiques
assurant la stabilité sociale et la confiance dans le système. Le
commerçant Jin accompagne ses caravanes d'escouades de mercenaires et
entretient pour cela les meilleures relations avec les arts martiaux de
ShaoLin. La seconde famille est celle des commerçants Hui (le Hui de
l'Anhui), qui s'appuient au contraire sur la qualité de leurs
marchandises pour assurer la confiance du client et qui placent la
satisfaction de ce client en clé de voûte de leur métier. Faire un bon
produit, connaître les souhaits du client, marchander son offre, cela
s'apprend et pour cela le commerçant Hui soutient l'éducation et
l'enseignement, la connaissance de la nature et des gens Et voila
pourquoi Huizhou est si réputé pour son éducation, préfecture d'un pays
de marchand qui veulent assurer à leurs enfants le meilleur avenir.
Commerçants Jin et commerçants Hui sont en concurrence depuis quatre
siècles.
Yu Liang
Plusieurs villages autour de Huizhou sont
répertoriés comme des perles de sa couronne. Nous n'aurons le temps d'en
voir qu'un mais, lui, aussi exceptionnel qu'ignoré du Routard : Yu Liang,
c'est-à-dire, pour les fins sinisants, l'arête dorsale du poisson.
Situé sur une falaise basse, rocheuse le long de la courbe de la rivière
Xin'An, il étire une rue unique où s'accrochent les maisons et les
commerces. Le nom me semble venir de cette curieuse structure, mais il
se peut aussi que je n'ai pas bien compris. Les maisons sont de type
villageois, en pisé grossier, blanchi à la chaux, et en bois. Les
"beaux" magasins sont des sortes de granges, avec un étage desservi par
des escaliers périlleux, au sol irrégulier et aux murs de planches
équipés de vagues comptoirs, de treuils et de cordes rappelant plus
l'inquisition que la City. Le village est encore majoritairement habité
et pas par des camelots attirés par le touriste car le touriste y est
aussi rare que l'échoppe pour les accueillir. Ce sont surtout des vieux
que l'on voit là, sur les chaises devant les portes, entre le chat qui
se débat avec un reste de poisson et la cage du merle siffleur. Les plus
jeunes passent de temps en temps sur une moto déglinguée ou poussant une
charrette de bois et de tôle. Quelques ouvriers s'affairent sur un
chambranle de porte.
Ce village est célèbre car il offre un très remarquable barrage
artificiel bâti sur la petite rivière Xin'An qui coule devant les murs
de Yu Liang. Ce barrage coupait un cours d'eau qui rejoignait
directement la mer à HangZhou et permettait d'y délivrer les
produis de l'intérieur (riz, bois, laine) en échange des poissons et du
thé. Contraints d'y décharger leurs cargaisons les bateaux ne
franchissant pas ce barrage. Les marchandises étaient transportées sur
quelques centaines de mètres, à dos d'homme, selon trois chemins à flanc
de falaise, chacun correspondant à une taxation particulière. Le barrage
fût construit il y a 1400 ans selon un modèle que je n'ai rencontré
nulle-part ailleurs. La rivière fait à cet endroit une cinquantaine de
mètres de largeur, et son lit entre les deux escarpements, trois fois
plus. Les deux niveaux sont séparés de 5 à 6 mètres en altitude par un
glacis très faiblement incliné (il fait près de 40 mètres de large),
échancré en trois endroits de créneaux laissant passer l'eau,
chacun à une hauteur différente afin de s'accommoder du régime des
pluies. Ce barrage était initialement en bois, mais il craquait beaucoup
et une inondation à eu raison de lui au 17e siècle. Il a alors été
remplacé par un glacis en pierre, constitué de dalles de fortes
dimensions (1 à 2 mètre par 40 centimètres), assez irrégulières, tenues
entre elles par tenons et mortaises, en pierre également, l'ensemble
étant maintenu en pression latérale par l'usage régulièrement de
coins de pierre aussi enfoncés en force entre quatre dalles de façon à
faire s'arcbouter l'ensemble. Technique héritée directement de l'art du
bois donc, mais qui ne manque de rappeler les constructions incas. Comme
le tout repose sur le lit du fleuve et qu'en temps de fortes eaux
la poussée verticale sous les pierres aurait naturellement tendance à
déchirer le tablier, des ouvertures carrées étaient ménagées de loin en
loin pour laisser s'exprimer les humeurs rentrées du fleuve. Du bel
ouvrage vous dis-je, qui tient encore 400 ans plus tard et se trouve
toujours au centre la vie sociale, à la fois grève pour les pécheurs,
plage pour les enfants, port pour
les bateliers sur le côté haut, lavoir et évier pour les ménagères sur le côté bas.
Hong Cun
Second village, qui, est un peu plus connu des guides, HongCun (soit
tout simplement "le Petit village de Hong"), à une vingtaine de kilomètres du point
de départ pour la Montagne Jaune, il est au coeur d'un paysage de
collines, lacs et ouvertures sur la campagne, lui même charmant. Sous sa
forme actuelle il n'est pas très ancien, un siècle ou deux, guère plus,
quelques maisons attestent cependant d'une histoire plus longue. Ses
ruelles sont tortueuses à souhait, servant des maisons basses comme il
se doit dans un village, mais les portes et les toits ont toujours
quelqu'élégance qui n'est pas paysanne. Murs blancs à motifs gris, têtes
de chat en quinconce par ci par là. Le village est habité et animé, mais
il y a aussi aujourd'hui beaucoup
de touristes dont une troupe de photographes professionnels, bardés de
tous les attributs de la confrérie. Ils sont massés sur deux points
charmants : le lac semé d'estafettes de canards blancs et bordé de
grands platanes maintenant roux, qui accueille le visiteur, et, au coeur
du village, un très grand bassin en demi-lune le long duquel se serrent
des maisonnettes aux toits désordonnés et à l'alignement incertain.
Soleil couchant aidant, il y a bien là effectivement de quoi faire des
clichés formidables, pour peu qu'il n'y ait pas dessus un autre
photographe. Dans cet univers gouverné par la place des étangs, les rues
sont bordées de profonds chenaux qui courent entre les maisons. Si vous
demandez votre
direction à l'habitant, il vous dira probablement "suivez l'eau pendant
deux blocs, puis remontez trois blocs".
La Mer de Bambous n'aura pas l'honneur de notre visite. Nous sommes
arrivés à ses portes, mais devant l'insistance des cieux à vouloir
ruiner nos derniers vêtements secs, nous avons fait demi-tour. On dit
que c'est un lieu enchanteur car outre le paysage exceptionnel (on est
sur le piémont de la Montagne Jaune et la pente moyenne est de 70 degrés
probablement) elle abrite temples, kiosques et petits palais cachés dans
une végétation luxuriante.
Les Montagnes Jaunes (Huang shan)
Revenons donc à cette Montagne Jaune, (Huang Shan) autour de laquelle
noue tournons. Guère Montagne (elle ne dépasse pas 1860 m), mais à la
structure typique des karstes chinois, tout en déclivités vertigineuses,
pics de roche tendus comme des doigts, ravins, falaises, ... Enfin c'est
ce qu'on dit car aussi bien dans l'autocar qui nous amène de son pied à
mi-pente que du téléphérique qui nous hisse au sein du dédale de pistes,
nous ne verrons autre chose que le blanc des nuages à travers les
gouttes de pluie qui s'écrasent sur les vitres. Malgré les conditions
épouvantables, les touristes sont là, enveloppés dans des capes de pluie
jaunes pour tous, mais sur-pantalons de plastique et housses à
chaussures pour les plus prudents (nous regretterons longtemps de n'en
avoir pas été). Comme nous l'avons déjà vu à Wudang Shan et à Jiangadjié,
les chemins sont entièrement artificiels, en parfait état, bien signalés
et ... obligatoires. Ils sont totalement noyés dans une forêt qui
escalade athlétiquement la pire pente, les arbres prenant un malin
plaisir à sortir du roc là où on les attend le moins. Le sol est couvert
de bosquets, des azalées souvent, des rhododendrons aussi, mais d'autres
signalés par des pancartes que je ne connais pas. Peu de fleurs en cette
saison bien sûr. Des volées de centaines de marches permettent de
descendre dans les combes puis de remonter sur le piton que l'on aurait
pu voir en face de notre nez, n'était-ce les nuages. Les observatoires
sont bien aménagés, ils taillent des pas dans le roc pour assurer la vue
à l'extrême pointe des cimes, plusieurs d'entre eux sont inaccessibles
en raison des conditions météo (la roche est glissante, les feuilles
ajoutent leurs pièges et le vent souffle en bourrasque). Disons-le, les
conditions de sécurité ne nous ont jamais semblé surabondantes et
je pense que l'on se repose beaucoup sur la fureur de survivre du
chinois moyen pour maintenir des statistiques présentables. Bon, le vent
ne pouvant pas être que mauvais, nous avons eu quelques dégagements
brusques qui nous ont permis de voir ces paysages typiques d'un pan de
roche émergeant d'une mer de nuages, ou une écharpe de brume
s'accrochant à un pin s'accrochant à une falaise plongeant dans le vide.
De quoi expliquer la dimension exceptionnelle de Huang Shan dans
l'imagerie chinoise. Mais trop c'est un peu trop, après 4 h dans
l'enfer mouillé, nous jetons l'éponge. Un passage rapide par la partie
commerciale du site (l'hôtel restaurant d'altitude ou cinquante
pingouins ruisselants essaient tant bien que mal de se réchauffer). La
redescente en téléphérique nous offrira encore bien des regrets. En
dessous des nuages, les flancs de la montagne, bien jaunes là où le roc
émerge, le vert des forêts, bien vert, mais piqueté de l'or des ginkgos
et du pourpre des érables, sont traversés de cascades par dizaines, les
cours d'eau ne pouvant, dans cette géométrie, faire autrement que de
sauter ...
Dernier conseil pour ceux qui cherchent une belle image des Montagnes Jaunes
pour remplacer mes piêtres souvenirs,
feuilletez n'importe quel recueil d'estampes classiques ou consultez le bel ouvrage que Marc Riboud leur a consacré.

Huang Shan, 1980, 3 photographies de Marc Riboud, Musée Guimet (2021)
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