Zagreb, pour commencer, car une capitale
ça marche en tête, n'est-ce pas ?
Une capitale dont on ne parle pas
beaucoup ... Et pourtant ! Zagreb, petite cité
pleine de charme. Les églises gothiques de Kaptol, Saint
François, Sainte Marie, Sainte Catherine, la silhouette
surprenamment naïve de Saint Marc, échappée de quelque
place de village, les vieilles bâtisses bourgeoises de
la colline qui ressemblent toutes à des évêchés, la rue
Radiceva, plus bobo que La Huchette, les
impressionnantes création d'Hermann Bollé, théâtres et
musées, d'un claquant jaune d'or rehaussé de blanc,
hébergeant angelots et nymphes, les belles places
Tomislav et Nikola Zrinski, leurs arbres immenses et
leurs statues, bordées d'imposants alignements
austro-hongrois, et les petites avenues alentour,
touchant mélange d'imitations bon -marché d'hôtels
vénitiens, d'immeubles frappés du réalisme titiste des
années 50 et de ces petits bâtiments plats et lisses à
l'esthétique universelle qu'a fait fleurir la fin du
siècle pour abriter des coiffeurs et des cafétérias.
L'Istrie proposera un visage tout différent.
Dans l'arrière-pays, ses
collines et ses bois accueillent un paysage de bocages
où des rivières paresseuses se cachent sous les
frondaisons. Des villes trônent sur les collines,
derrière leurs remparts médiévaux. Des églises romanes
offrent au visiteur des peintures rupestres charmantes
et naïves où les saints le disputent aux démons, où des
anges enguirlandés se penchent à l'épaule des élus et
des allées d'ifs conduisent à des autels : Motovun, Hum,
Draguc, Buzet, Beram, ,,, autant de petits bijoux aux
charmes discrets. Une surprise : les murs peints de
Vodnjan, gros bourg pataud aux rues étroites et
profondes et aux graphies pleines d'humour et de talent.
L'Istrie et ses vignobles, ses jambons, ses truffes, son
vin rocailleux, une Toscane en pays slave ... La côte
istrienne nous rappellera que l'Italie est à deux pas et
l'Allemagne au bout de la route. Mais à Pula, Porec,
Rovinj, les Romains y furent d'abord, puis les
Byzantins, les Vénitiens et y ont oublié des temples,
des amphithéâtres, des basiliques splendides et
millénaires pour donner mauvaise conscience au touriste
qui s'attarde aux terrasses pour déguster un Teran
rocailleux ou un spirituel Malvasija.
Pour quitter l'Istrie, il faut
replonger dans la civilisation autour de Rijeka, dans le
dédale de ses autoroutes, puis, pour rejoindre Plitvice,
si l'on souhaite éviter la côte, il faut traverser de
curieuses régions où les maisons de gros moellons
semblent de toute éternité dépourvues de crêpi, où les
murs s'ornent encore de cicatrices de la guerre récente.
Le parc national de Plitvice, comme un aimant, draine
toute la circulation alentour. Quand nous y arrivons, il
est noyé dans une brume épaisse et les plans d'eau se
détachent péniblement des nuages. Les cascades, les
bassins se découvrent l'un après l'autre tandis que les
arbres s'égouttent encore. La foule disciplinée de
japonais et de slovaques, de finlandais et de saxons
trottine sur les caillebottis luisants. Clic-clac : le
rituel photographique universel prend ici une allure de
protocole. Que d'eau en boîte, s'écoulant en tresses
blanches des parois, faisant luire les visages et
noircissant les bois, s'accrochant en lambeau aux
roseaux, glissant furtive entre les herbes. L'eau a ici
toutes les couleurs, si les bleus crus et les verts
profonds l'emportent par les vastes étendues des
bassins, c'est que l'on ne s'arrête pas aux
ocres des sables, aux rouges des feuillages que l'eau a
déjà accaparés, aux blancheurs laiteuses des
bouillonnements. Nous l'avons déjç expérimenté en
d'autres lieux, la pluie, calamité du touriste, réserve
des splendeurs discrètes mais sûres à qui ne craint pas
de tremper ses mocassins.
La Dalmatie sera au contraire
rayonnante de soleil dès que l'on aura passé les lignes
de crête qui forment frontière du Quarner et qui
s'emploient avec un exceptionnel succès à maintenir sur
ces montagnes brouillard et pluie. On retrouve en ces
lieux l'affluence des lieux bénis des catalogues et des
dépliants. Il faut faire la queue pour entrer dans les
villes et, sitôt qu'on y est, on ne sait plus comment
s'y arrêter. Villes ou gros villages qu'il faut
cependant parcourir à pied pour s'imprégner de
l'atmosphère de leurs ruelles au sol dallé, aux flancs
de fortes pierres, dotées de gros remparts, de voutes et
de donjons, d'églises romanes enrichies des apports
successifs des lombards, des byzantins, des autrichiens.
Split, Trogir, Zadar,
Sibenik, toutes rivalisent pour s'attacher
l'amoureux des pierres taillées par l'homme, des
bâtisses croulant d'histoire, de cette culture qui
s'échappe des échauguettes, des cryptes et des portes
basses. Le Palais de Dioclétien vit chaque soir
à un rythme trépidant, reflet lointain de ce que furent
peut-être les fêtes romaines, mais qui sont aujourd'hui
germaines ou baltes.
Dubrovnic impose ses pierres lourdes, ses murs,
son enceinte de granit comme pour mieux enfermer les touristes
que ses charmes gothiques n'auraient pas séduit, son port où s'endorment trois barques indolentes. Elle offre ses ruelles,
qu'enfument les grillades de poissons et les brochettes, ses placettes où s'étirent des chats hâves
de trop réver, ses restaurants et leurs tables étagées sur des escaliers étroits,
ses caves profondes où coulent le Gran Teran, le Caric et le Vinopod.
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