Visiter l'Iran, ... ou comment voir le Moyen Orient d'un oeil persan

        Voyage du 6 au 20 avril 2007 - Henri Maître



Quinze jours d'un voyage dense et pointilleux pour entrevoir 45 siècles de civilisation, nous entraînant du Nord au Sud et du milieu à l'Ouest (nous ne verrons pas les marges pakistanaises et afghanes pour sûr, ni les bordures turkmènes, non plus que les confins turques, arméniens et azéris).
Vaste plateau bordé de hautes montagnes, balayé de déserts, aux plaines rares et marginales. La lutte du soleil et de l'eau, mythe zoroastrien toujours vivant, des étendues immenses parcourues de canaux souterrains, comme les artères d'un grand corps étendu au soleil. Les pistachiers en fleur du Rasfandjan, les cerisiers de l'Esfahan, les grenadiers du Zagros, les rosiers du Fars, les grands peupliers encore dénudés le long des routes.

Des filtres culturels et sociaux pour déformer et interpréter chaque regard. Plus que jamais on ressent combien la vision part de l'oeil, toute chargée de notre culture et de nos appris et combien elle peine à rapporter les traces de son objet, lui-même caché dans les voiles de ses apparences. Monde trompeur, esprit truqueur ! Une lutte, millénaire elle aussi. Narcisse contre Echo ! Zéro à Zéro, on s'impatiente du retour.

Les jardins des poètes de Shiraz interpellent les salles de lutte d'Ispahan et les murs de torchis d'Abyaneh et ses grottes-abris des troupeaux, renvoient dos à dos les palais couverts de glaces des Qadjars, les miniatures de Shaabas, et les forteresses de terre crue sassanides, à l'entrée des déserts du Lut. Les jardins perlant d'eau des neiges du Kuh-e-Hazar, les glacières comme des pains de sucre, les tours du vent carrées et ouvertes en leur sommet comme des branchies, les grands dômes bleus, omni-présents, surmontés des doigts des minarets, par deux comme des grues cendrées, les portes de bois des maisons d'ocre rouge, bois brillant et noueux, usé par les mains, buriné et chainé, un peu en creux de la route mille fois recouverte d'une poussière de terre, les bazars rutilants de cuivres et de verres, comme des princesses hindoues, la gueule des boutiques, dégorgeant ses fruits colorés, ses balles d'épices, ses pétales séchés violets, roses, bleues, dans des grands couffins serrés sous les verrières, ses sucres en vrac où tournent des abeilles ...

Poètes, musiciens, brodeurs et peintres, verriers, menuisiers, casseurs de sucre et cueilleurs de pistaches, ils sont tous présents sur les coussins des cafés, fumant des nuages épais ou buvant des grands verres bruns, marchant derrière une canne ou un chariot dans les allées des bazars, tirant un oignon d'un gousset ou collant l'oreille au portable, cahotant sur une charette au cul d'un âne dans un chemin de montagne, enturbannés de blanc ou de noir aux abords des mosquées. Les femmes noires souvent, parfois bariolées commes des tsiganes, pressées, hâtives dans leurs tâches, patientes, affables, aux allées des marchés, attentives aux ébats des enfants sur des manèges de gazelles et de tigres dans les squares. Dans les jardins, des vols d'écolières, roses ou parme, riant et courant dans des jeux d'enfants universels me semble-t'il (est-ce que l'on dit la clef de Saint Georges au pays de Khomeiny ?), des petits bonshommes déjà sérieux comme des grands, serrant leur cartable, tapant dans des ballons, tirant des cerfs-volants le long du Zayandeh, des étudiantes, par petits groupes, cheveux cachés mais l'oeil rieur, dans des bousculades complices, un carton à dessin sous le bras, un appareil photo autour du cou (oh, combien de Zenith vus en un jour, plus que dans bien des années ! toutes les iranniennes de seize ans ont un Zénith je le jure.).

Terre de prière, des édifices zoroastriens (encore actifs dit-on), des tours de silence, (silencieuses pour le coup, même les vautours ayant fini par se lasser), de mosquée, inmombrables, les plus belles du monde, sans aucun doute, pourvu qu'elles soient anciennes, de mausolées encadrés de grilles et de madrassas.

Terre de traces, aussi, grandioses vestiges de Persépolis avec ses fresques monumentales où défilent les civilisations, reliefs de Pasargades, oubliés des conquérants, Alexandre le dispute autant à Cyrus qu'à Darius ... Les ponts d'Ispahan, comme autant de siècles : douze ponts, mais aussi trente arches, quarante piliers, vingt bassins, douze minarets, cents pièces d'eau. Les chiffres sont affaires de poètes : on compte une fois pour l'objet, une fois pour son reflet et s'il le faut on multiplie par dix.

Je vous l'ai dit, en Iran, l'oeil sait mal ce que l'esprit voit, l'oeil au coeur du soleil, ébloui des gloires anciennes ...



Téhéran et Kashan - des aperçus trop brefs de la capitale, encore sous les neiges de l'Elbourz, quelques scènes de rue et du bazar, le musée du tapis, le musée Iran Bastan des arts pré-islamiques et le palais Saad Abad

Kashan - un peu au Sud de Téhéran, Ville de province déjà. Ville des céramiques. La madrassa Agha Bozorg, la maison des nobles marchands Boroudherdis et le mausolée de Chazdeh Ibrahim

Qom - à peine. Ville sainte s'il en est. A notre expérience, la seule ville d'Iran où le touriste n'est pas l'objet d'une accueillante bienveillance.
 

 

 

 



Yazd et ses environs, Pasargades - Route dans les pistachiers du plateau de Rasfandjan, puis Yazd, vieille ville zoroastrienne, couverte de tours de vent, la prison d'Alexandre,

le mausolée de Roknadine, le vieux village de Cham et sa tour du silence.


Pasargades : La capitale de Cyrus II, bien nue aujourd'hui sous son ciel d'orage

 



Persepolis - 5 siècles avant JC, la capitale de l'empire Achéménide. Les palais de Darius et de Xerxès.

 

Les bas-reliefs, procession de pierre des peuples du monde, sous l'aile d'Aruna Mazda.

Les sites de Nagh e Radjab et de Nadj e Rostam, caveaux des Sassanides : Artaban V, Shapur I, Barkam, Hormoz

 

 


 


Kerman, Rayen et Mahan - encore plus au Sud, aux portes du désert du Lut, Kerman : la mosquée de Jame, le hammam de Gandhalikhan, la mosquée du Vendredi - Mahan : les jardins du Prince (Bagh-é-Chazdeh), la mosquée et le mausolée du Chah Nermatollah Vali - La cité de brique rouge et de pisé de Rayen, devant les neiges du Kuh-e-Hazar (4420 m) - Les routes et les paysages du désert Dash-e-Lut.

J'ai voulu ce matin te rapporter des roses,
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes,
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer, s'en sont toutes allées,
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir.
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée?
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Marceline Desbordes-Valmore, Les roses de Saadi



Shiraz - ville des poètes, la tour penchée de sa citadelle, la Madrassa de Khan sous la pluie et ses mollahs, le vieux pont sur les eaux boueuses de la rivière Khoshk, le bazar, le palais de verre du gouverneur Qadjar, la mosquée du vendredi et la vieille mosquée d'Atigh, les jardins des poètes Hafez et Saadi, le jardin d'Eram aux portes de la ville.



Ils ont passé des jours d'une existence vaine,
Comme l'eau du ruisseau, comme un vent sur la plaine,
Un jour déjà loin, l'autre n'est pas encore,
Pour ce double néant, pourquoi me mettre en peine ?
Rubaiyat d'Omar Khayyam




Ispahan - La perle de l'Iran dans les Monts Zagros, sur les cours multiples du Zayandeh Roud, la bien nommée. Ses places et ses faubourgs constellés des souvenirs d'un passé exceptionnel : mosquées, palais, fontaines, mausolées, ponts, ....


La mosquée de Jame, la plus ancienne d'Ispahan, sa construction s'étage du XIe au XIVe siècle, ses cours multiples enchaînent les styles les plus divers.

Le pont de Khadju aux 33 arches, l'un des 10 ponts anciens, à arches et magazins, le pont Sharestan, du XIe siècle.

Le palais des 40 colonnes de Tchehel Sotoun, dans son parc, palais de réception de Shaabas le Grand, et les scènes murales de guerre et de vie courtisane.

Le palais du Paradis Acht Behesht des Safavides, une fois harem, changé en ... écuries.
 


Abyaneh - Ville du pays Fars, sa citadelle de terre, blottie au bout de la route, sur sa montagne percée des portes pointues des cavernes-abris pour les moutons.


Le village de pisé ocre aux fortes charpentes apparentes, accroché à la pierre et l'escaladant de ses balcons, les arbres fruitiers en fleurs de ses jardins. Les villageois, tout sourires sur des barbes comme les buissons, les femmes dans des vêtements colorés et des brasselets d'ambre et d'argent, les ânes chargés de bois, les bassins et les rigoles qui dévalent les pentes.

Nain, ruine de terre et mosquée antique, petit musée ethnologique dans un pavillon princier (Acht Behesht du Chah Soleiman). Natanz, la belle mosquée Abn Al Samad, site funéraire, discret dans les arbres de son jardin ; des artisans : potiers et tapissiers.

 

 






 



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Page créée par H. Maître le 10 mai 2007, révisée le 1 mars 2015