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Namibie : au pays où se perdent les fleuvesUn trek en pointillé, dans les déserts austraux - août 2016 - Henri Maître
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Les cartes
La Namibie en Afrique
Les visites
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En chiffresCinq mille trois cents kilomètres de routes, dont certains goudronnés, une centaine de kilomètres de cailloux et de broussailles, de lits de rivières, sèches, et de sable, deux cent vingt-cinq montages/démontages de tentes, quatre cent soixante litres d'eau, dix-neuf pots de beurre de cacahuète, deux bouteilles de Jack et quatre d'Amarula, quelques verres de mousseux déguisé en champagne, mille six cent vingt-quatre vaches accumulées au six qui prend, deux tongs hawaïennes appariées, quatre démontages de roues et quatre douches à la frontale, ... pas de raton laveur, mais un caracal, un léopard, cinq lionnes dont trois repues, quelques milliers de gnous, de zèbres, de springbocks, d'otaries, quelques dizaines d'oryx, de koudous, d'éléphants, de babouins, une poignée de rhinos, de girafes, d'autruches et je ne parle ni des gonoleks ni des francolins à pattes rouges, ni des mopanés ...La Namibie a donc de nombreuses ressources. Mais non seulement elle les disperse sur un territoire bien plus vaste que la France et guère plus peuplé que le quartier d'affaire de Shanghaï, mais elle parvient à les cacher dans les paysages les plus invraisemblables : profonds canyons au coeur de déserts arides, forteresses de pierre plantées dans les sables, dunes gigantesques abritant des lacs de sel, amas titanesques de rochers entassés en dépit du bon sens dans des paysages lunaires, plateaux de terre craquelée où de rares touffes d'une végétation toxique narguent les herbivores ... L'horizon lui même est complice, les eaux tremblotantes de ses mirages ne disparaissent que près de la côte, lorsque la molle réalité des brumes océaniques impose son coussin de nuages.
Y a t'il des gens en Namibie ?Et les gens ? Tout d'abord il semble que de gens il n'est pas besoin dans cette histoire et que le moins nombreux ils seraient, le mieux se porterait ce petit monde. Ou alors, à la rigueur, comme l'indiquent les dessins pariétaux sur les roches du Brandberg, des petits bonshommes courant par trois après les troupeaux, brandissant des arcs et des flèches, reportant scrupuleusement à la peinture l'empreinte d'un sabot ou la position d'une source sur une dalle de grès pour les générations futures ... Et puis, bien sûr, quand on s'enfonce dans les collines du SteirandBerge au Kaokoland, au nord d'Opuwo, que l'on visite ces villages sous les frondaisons des mopanés et des commophoras, que l'on rencontre ces familles Himbas, avec leurs femmes au corps de cuivre rouge, les cheveux pétris de glaise et de lait, les hanches couvertes de peaux de chèvres, cachant un marmot à l'oeil vif accroché comme un gecko, des femmes parées de multiples colliers de métal, de perles, de bois et de coquillages, ... alors quand on les voit ces Himbas, on change d'avis. Comme font changer d'avis ces bambins au ventre rond, ces fillettes avec leur deux cornes de taureau andalou, leur tour de cou serti de nacre, leur pagne étroit sur des corps plus étroits encore, ou ces garçonnets délurés, avec une touffe de crins préservée sur le sommet du crâne, qui tapent dans un ballon de chiffons, ou ces vieillards coudés et cependant nobles comme des Grands d'Espagne, appuyés sur des cannes sculptées, les reins ceints des souvenirs en lambeaux de ce qui fut un pagne et dont il ne reste que la trame des broderies, ces vieilles ridées, tirant sur une pipe, surveillant le brouet collectif, chassant les poulets trop intrépides, consolant les moutards et riant de bon coeur de l'ébahissement des visiteurs. Il y a aussi ces femmes Hereros, tout en opposé, comme s'l n'y avait de place que pour les extrêmes en terre namibienne, drapées comme des reines d'échiquiers dans des jupes solenelles qui balaient le sable, ou serties dans des robes à col rond, au corsage haut et aux manches amples, la tête fière sous leur bicorne fleuri, grand noeud de tissu assorti à la robe, un châle frangé sur les épaules comme pour prévenir un improbable frisson, un sac victorien au bras, rempart indéniable d'une noblesse assumée. Elles, elles ne feront pas souvent l'aumône d'un regard au touriste, glissant avec la majesté de christs en croix lors des processions espagnoles. Et ces femmes Vembas enfin, aussi alertes et accessibles que leurs cousines Hereros sont lointaines. Dans des jupes courtes de couleurs vives, ou drapées d'un pagne de propagande politique, le chemisier largement échancré, les bras nus, les sandales légères. Parées de bracelets, de gourmettes, de colliers, de parures de tête, de boucles d'oreilles. Bijoux taillés dans des petites pierres géométriques, éclatantes, blanches, jaunes, rouges, bleues, dans une simplicité de teintes et de formes confondante, sans tapage ni lourdeur, par l'éclatante beauté des accords vifs sur la peau noire. Il faudra que j'apprenne si l'on dit Vembas ou Dhimbas ou Ovambos et s'ils sont bien, comme les Hereros, leurs voisins et leurs cousins, de langue bantoue, ou bien s'ils sont plutôt comme les Himbas (ou Ovahimbas), et donc aussi un peu Hereros et toujours de langue bantoue, mais différente bien sûr.
Le long de la route, quelques aperçus
Le premier d'entre eux est l'école de brousse d'Okatembanbu en pays Kaoko. Sur notre chemin de randonnée,
au petit matin, elle était annoncée depuis quelques
kilomètres par des petits groupes d'enfants, issus des villages dispersés, qui convergeaient vers de grandes tentes militaires. Cinq ou six tentes vertes,
jetées sur le sol battu, sous les mopanés. Ces tentes abritent chacune une classe allant à peu près du cours préparatoire au certificat d'étude
(on dit ici de la première à la cinquième). Des tables et des chaises en bois et tubes métalliques les équipent, devant un tableau rugueux. Quelques affiches
pendent aux poteaux des tentes, ici avec des éléments de vocabulaire anglais, là avec une description des représentations communales et régionales et
des instances publiques. Les enfants sont ceux-là mêmes que nous avions rencontrés dans les villages. Beaucoup
de garçons, en chemise bleue et en short,
quelques filles, avec leurs cornes de taureaux et leur gros collier, enveloppées d'un pagne. On verra même une femme plus agée, avec la coiffe
lourde de glaise. Son maître nous dira combien sa présence est méritoire et combien ils cherchent à reproduire son exemple contre les tendances
exprimées dans les villages à retirer les filles de l'école sitôt qu'elles sont prêtes à former une famille. Très différente est l'image du "supermarché" telle que nous la présentent peu ou prou toutes les petites villes de notre périple. Ce sont généralement de vastes surfaces, entourées de parkings, au carrefour de pistes importantes, souvent en face d'une église luthérienne ou évangélique et à côté d'un poste d'essence expert en réparation des radiateurs, pose de pare-brises et vente de pneus. Le supermarché a toutes les fonctions du "drugstore" du MiddleWest, il n'y a que les armes qu'on n'y trouve pas ... et aussi l'alcool qui est souvent distribué dans une échoppe attenante. Les rayons sont abondamment garnis des provisions de première nécessité conditionnées en doses massives : l'eau bien sûr, offerte en pyramides de bidons, le riz, les pâtes, la bière et le coca, mais on y trouve aussi un pain de mie pas si mauvais, des viandes franchement succulentes de zèbre, de koudou, d'alligator, d'autruche, des vins de toutes sortes venus de l'Afrique du Sud voisine, du bois pour les barbecues, des lampes à souder, des fers à béton, des garnitures de cercueils, des cornichons polonais, des trottinettes roses pour petites filles, ... et l'on n'est pas surpris de côtoyer dans les allées de vertueuses visiteuses du Dakota ou du Wisconsin, en quête d'âmes fraîches pour leurs paradis fumeux, des demoiselles himbas "avec moins que rien de costume" et deux ou trois bambins à leurs côtés, des douairières hereros en robe à volants, qui ont sûrement bien connu la Fürstin Hidegarde Holstein von Lothar-Trotha, du temps de sa splendeur, de grands gaillards balafrés, tout droit sortis des maquis angolais (mais cependant sans leur kalachnikov) d'autres tout autant balafrés, tout aussi malabars, mais plus pâles, qui remonteront dans leurs 4x4 et rejoindront leur ferme au fin fond de leur domaine à cinquante kilomètre de là ... Le supermarché est un endroit assez exceptionnel où la grande variété des populations namibiennes se croise. Bien sûr, il faut que l'on parle aussi un peu de ce petit bar de campagne, à la limite du Kaokoland et du Damaraland, pas très loin de là où disparaît dans les sables la rivière Noamib. Le long de la route, caché derrière un gros mopané, il allumait ses lumières bleues et vertes au moment même où une soif insistante s'installait parmi nous. Quatre tables sous une tonnelle, une salle encombrée d'un billard et, sur le côté, une boutique sans étagère ni comptoir. Notre petite compagnie turbulente a rapidement attiré ceux qui passaient sur la route et ceux qu'abritaient à distance les maisons du village. Un juke-box antédiluvien a réveillé des talents bien mal enfouis de danseurs. Ne me demandez pas sur quels rythmes ... Nos amis d'occasion nous rejoindront au camp dans la soirée pour interpréter quelques chants a capella ...
Une autre fois, il faudra peut-être que l'on parle de la petite ville de Swakopmunde, confite dans ses souvenirs germaniques, ou du Biergarten
de Windhoek, lui aussi nostalgique de la Bavière, ou du Musée National de Namibie, dans un autre esprit ... mais pour aujourd'hui, ce sera tout.
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Trois peuples de Namibie
Les petits bonus
L'école communale de Okatembanbu. Transcription d'un texte en langue khoïsan. La langue khoïsan est celle des premiers habitants de l'Afrique australe (les Sans appelés aussi Khoïkhoïs, Hottentots ou Bochimans). Mais les clics sont aujourd'hui aussi utilisés par d'autres ethnies (par exemple de souche linguistique bantoue, comme les Hereros). On note les 4 types de clics.
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