Shanghaï et sa région

                                                    Henri Maître - mars 2017

Les cartes

Carte de la Chine avec Shanghaï



La région de Shanghaï à Nanjing


Le centre ville de Shanghaï







Les bonus

Des graffitis en Chine ?!?
sur le campus de Minhang de l'Université de Jiaotong !


un (tout petit) bonus
Mariages chinois



un court texte de Lucien Bodard
sur la naissance de Shanghaï







































































































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Fait le 20/05/2017

Municipalité autonome de 23 millions d'habitants, Shanghaï prétend au titre de plus grande métropole du monde (au moins en 2017). C'est aussi la ville la plus paradoxale et complexe de la Chine. Grande rivale de Pékin comme porte d'entrée en Chine, elle n'a jamais été capitale de l'Empire du Milieu quand Xi'an, Nankin, ou même Chongqing disputent ce titre à Pékin. Rivale de Pékin dans toutes les activités de l'esprit, grand centre industriel, Shanghaï est incontestablement une des plaques tournantes de l'économie chinoise, immense port industriel, haut lieu du commerce asiatique, place financière de référence. Shanghaï atypique, depuis cent ans le lieu de mélange de la Chine et du monde, d'abord par la petite porte des concessions, puis par l'énorme trafic de son port.



     Shanghaï Chinoise, Shanghaï des concessions, Shanghaï des rues

 

Se plonger dans la Chine ancienne à Shanghaï, c'est d'abord écarter le rideau des immeubles gigantesques qui longent toutes les grandes avenues. La Shanghaï de la Chine ancienne existe toujours (en moins en 2017 !). Pour cela il faut s'enfoncer dans les ruelles entre Fuxing Donglu au Nord, et la boucle de Zhonghua Lu sur les trois autres côtés. Petites rues menacées de toutes parts par les pelleteuses, ruelles tortueuses, au sol incertain et percé de flaques, maisons basses qu'un pas de porte creuse encore de quelques marches vers de minuscules réduits où la lumière est chiche. Fatras de carioles, de vélos, de poussettes, de jouets d'enfants, de triporteurs, abattis de planches, de bidons, de cartons aux coins des murs. Façades borgnes sur un ou deux étages que des planches souvent aveuglent, murs fragiles que les balafres soulignent. Bachats de béton et de guingois où l'eau ne vient plus par des tuyaux qui courent sur les façades, couverts de brocs et de seaux ; fours, de béton aussi, reliques d'un temps oublié où l'on cuisait dans la rue, transformés en poulaillers, en celliers, en ateliers. Odeurs tenaces qui vous prennent, remontant depuis les caniveaux, les rigoles, les recoins des courettes, les latrines aussi que cachent à peine des panneaux délabrés. Fils acrobatiquement torsadés sur des pilônes sans fonction, fils lancés d'un toit à un autre comme pour rendre solidaires ces bâtisses vouées à la machoire des pelleteuses. Fils ou câbles plutôt qui courent en lourdes tresses sur les façades, qui les retiennent, les enserrent comme en d'autres lieux les racines de banyang. Eclairages faiblards noyés dans des vignes grimpantes. A toutes les fenêtres, étendages de pantalons, de culottes, de blouses aussi anciens et ravaudés que les rues, que les maisons, que les habitants. Pas-de-porte transformés en boutiques où s'étalent des salades, des choux, des herbes de toutes sortes, dans des panières d'osier parfois mais surtout dans des sacs de plastiques. Plus loin, bacs de polystyrène côte-à-côte, ou grouillent des anguilles, des poissons-chats ou des encornets, bidons à huile hébergeant des tortues, des crapeaux gros comme des hérissons. Et là, cages où s'énervent des poulets rachitiques au croupion déplumé ou des pigeons, ou des lapins.

La vie est bien là dans ces rues, des enfants sur des vélos ou sautant à la corde, des mobyletts qui se fraient un chemin à renfort de klaxon, des remorques qu'on décharge de panneaux solaires ou d'un téléviseur large comme une voiture, voire d'une table de majong électrique. Petit groupe de passantes qui discutent la fraîcheur des feuilles de lotus, qui commentent avec force jurons la chute d'un étendage. Vieux sur leur chaise, qui s'appuient des deux mains sur leur cane et regardent avec des yeux tout blancs qui ne voient probablement plus rien. Chiens indolents que nul pied ne chasse ou chats étiques qui surveillent leurs arrières. Tout le quartier surveille ses arrières, mais le danger viendra de face !

 

Si l'on continue un peu vers le Nord, on quitte la Chine du 19e siècle en longeant les chantiers. On rejoint les rues qui ont le droit de porter ce nom puisqu'elles abritent des boutiques au sol solide, aux vitrines claires, aux grilles lourdes repliées le jour. Des vraies vitrines de civilisés qui vendent à des touristes mal définis des tonnes de vestiges historiques en vrai faux plastique, en vrai faux bois, en vrai faux bronze. On y achète des Petits Livres Rouges sous leur couverture de moleskine, comme au premier jour, des collections de sapèques enfilées sur des tiges, des échiquiers d'ivoire avec la poussière même de l'antique, des soieries tout juste sorties d'usine et des estampes, et des bouddhas, et des porcelaines ... C'est Fuyou ! On n'est encore que dans la banlieue de la Chine touristique. Il faut poursuivre un peu entre les échoppes en suivant le flot serré des Shanghaïens pour accéder au Saint des saints.

 

C'est un peu plus loin dans Fangbang Lu que l'on débouche dans la Chine des rêve et des clichés, celle des imaginations collectives, du cinéma des années 30, des "Shanghaï Ladies". Bâtisses de trois ou quatres étages, aux façades immaculées, aux balcons à galerie de bois carmin, aux ornements dorés de dragons et de phénix, aux lanternes rouges, aux fenêtres à croisillons de bois, aux toits multiples, en vagues successives marquant les étages, recourbés comme des drakkars. Une reconstruction impeccable de la Chine rutilante, qui ouvre ces palaces sur des salons cossus où l'on déguste, dans des étages accessibles par des escaliers étroits, du canard, des pains à la vapeur et des raviolis. C'est là que s'étalent de gigantesques surfaces s'ouvrant sur trois rues où l'on vend des soieries, des livres anciens, des vases hauts comme un homme, des cailloux torturés par le vent qui vous coûteront un oeil pour le moins ...

Dans ce quartier aussi s'ouvre le Jardin Yu. Le plus beau du monde bien sûr comme le sont ceux de Suzhou et de Hangzhou, mais bien beau tout de même, avec ses multiples pavillons, son entrelac de couloirs percés de fenêtres en goutte d'eau, en feuille de lotus, en patte de grenouille, ses éboulis de rochers et ses étangs. Le Jardin Yu serait l'endroit le plus paisible de Shanghaï si l'on ne faisait la queue pour y pénétrer, puis si l'on ne devait attendre que se libère l'endroit rêvé d'un selfie ou que ne sorte du champ de la plus jolie des cascades une troupe turbulente de lycéens.

On reviendra vers l'Ouest à travers le quartier de Xintiandi, saluant au passage la maison vénérable de Sun Yat-Sen, traversant le Parc Fuxing où discutent des retraités de la guerre sino-vietnamienne et de la Révolution Culturelle. Dans le Parc Fuxing, les platanes gigantesques, le kiosque à musique, les pelouses bordant le bassin géométrique nous rappellent que l'on est maintenant dans l'ancienne Concession française. Déambulant dans les rues alentour, on retrouvera accrochée aux grilles des petites "villas", aux seuils des maisons basses entourées d'un jardin riquiqui, aux boutiques de fringues, aux bars tellement inattendus, une ambiance de midi par ci, ou de banlieue parisienne par là, ou quelqu'insaisissable langueur qui se mêle sans heurt à la vie chinoise. Plus à l'Ouest les villas sont plus belles et les parcs plus grands, la richesse de Shanghaï, là, n'est plus bourgeoise, mais de cette aristocratie plébeienne que le maoïsme et la finance ont secrétée et qui réservent les maisons modern style, les voitures de luxe et les jardins privés à leurs fils illégitimes.

 



     L'architecture moderne à Shanghaï : le quartier nouveau de Pudong

 

Shanghaï moderne explose à la face du visiteur dès qu'il quitte l'aéroport, que ce soit par le métro, le train magnétique ou l'infini réseau des autoroutes. En vingt ans d'existence, quinze lignes de métro courent dans la ville et dix autres sont en chantier, éclosant plus vite que les plans pour les décrire ; et les autoroutes semblent avoir été posées comme l'enchevêtrement des rails d'un gigantesque train électrique à quelques dix mètres au-dessus des rues, des carrefours ou des jardins, zébrant la cité de ses artères où courent les files interminables de voitures. Partout, des tours percent le tissu infini des cités et proclament au ciel la confiance en l'économie, la vigueur du marché, le succès de l'audace et de l'ambition, la confiance dans le futur et, bien sûr, l'importance d'être vu. Partout aussi des centres commerciaux en forme de ruches, en forme de nasses, de pyramides, de soucoupes, de grappes empilent leurs étages et offrent leurs entrailles de téléviseurs, de climatisations, de canapés ou de machines de musculation.

C'est à Pudong pourtant que l'affaire est vraiment sérieuse. Le visiteur s'en rend compte tout de suite en déambulant sur le Bund. Sur l'autre rive du Huangpu, l'armée des gratte-ciel est aux aguets. Des gratte-ciel tous différents et tous d'une rare élégance : tours vertigineuses, vrillées comme sous la main d'un géant, cascades de balcons et de corniches empilés à la va-vite, pyramides d'acier miroitant au soleil, blocs de granit noir assemblés dans un équilibre qu'on voit précaire, façades coupées comme par une hache, tuyaux d'orgues en escaliers, édifices enturbannés, brumeux, effacés, sphères bariolées, prismes renversés offrant leurs terrasses au soleil. Tous ces édifices basculent la nuit dans une autre vie faite de lumières changeantes et d'enseignes bavardes affichant toute la prospérité d'un monde qui ne compte pas la dépense.

 

Shanghaï le jour est-elle plus belle que Shanghaï la nuit ? Je ne sais pas car chacune a pour convaincre de bien solides atouts. Mais Shanghaï a, la nuit, autant d'habitants que le jour et le jour comme la nuit, ils sont dans la rue, en bandes, en groupes, en familles, joyeux, riant, buvant, de tous âges, plutôt bourgeois pour ce que nous en voyons, même souvent bobos selons nos critères : plusieurs téléphone en main, des voitures classouilles, des fringues négligeamment élégantes ... Et la nuit comme le jour, les trottoirs débordent sur la chaussée et les policiers en tenue jaune se déchaînent avec une identique énergie pour ramener le troupeau sur ces petits hâvres étroits, envahis de vélos et de triporteurs qui lèchent les vitrines.

 



     Les musées de Shanghai

 

Le plus beau musée de Shanghaï est incontestablement celui qui se trouve sur la Place du Peuple. Son accès n'est pas la chose la plus facile. Les rues alentour sont bordées de barrières et les véhicules de policiers qui protègent les bâtiments administratifs qui lui font face dissuaderont le touriste imprudent qui n'aurait pas emprunté les passages prévus. Il n'est pas très vaste, ce musée, 3 ou 4 étages tout au plus, mais chacun, dans le domaine de sa spécialité, offre une sélection remarquable de pièces, que ce soient des jades, des porcelaines, des estampes ou des costumes des minorités.

Le Musée des Arts Contemporains est au Sud de Pudong, dans le bâtiment de la Chine à l'Exposition Universelle. Cette gigantesque pyramide inversée, croisillon de poutres rouges mérite vraiment la course en métro pour sa démesure et son imposante structure. Les collections déroutent un peu par l'abondance d'oeuvres faciles ou superficielles. Quelques belles toiles bien sûr, mais on n'en connaîtra souvent pas l'auteur si l'on ne lit le chinois.

Le petit Musée des Affiches Politiques est quant à lui tout à fait passionnant. Revisez avant de le visiter votre leçon sur le Grand Bond en Avant et ramenez à votre mémoire les noms des Illustres qui ont accompagné le Grand Timonnier lors de la Révolution Culturelle : Deng Xiaoping, Chou En-Lai, Liu Shaoqui et bien sûr Jiang Qing. Vous les verrez renaître sous un jour qui vous surprendra probablement dans de féroces caricatures.


Porcelaines et céramiques



Jades



Estampes et Peintures



Minorités



Art Contemporain



     Et les musées des alentours

 

Suzhou offre un musée de la soie, un peu hors du centre touristique, moderne et riche de belles pièces. Beaucoup de copies d'oeuvres anciennes, ainsi que des oeuvres modernes d'une très grande richesse. Le musée se poursuit par des salles consacrées à l'élevage des vers à soie puis aux techniques qui aboutissent aux brocards. Alentour, un parc et un temple, oubliés des foules, proposent leurs grands arbres et une superbe pagode, ses cascades de toits.

A Tongli , il n'y a pas véritablement de musée, mais, dans deux ou trois bâtisses anciennes, sont gardées des pièces d'habillement, souvent modestes : cols, rubans, coiffes, bourses, placards d'habits. Dans des vitrines borgnes, elles s'exposent timidement à la poussière et, peut-être, au touriste qui leur trouvera le charme irremplaçable des choses portées.

A Nanjing au contraire, le musée provincial du Jiangsu a tous les attributs des grands musées chinois : des bâtiments neufs (et même pas tout à fait encore finis) et gigantesques (ne nous y sommes nous pas perdus neuf fois en une seule visite ?) ... De beaux bronzes modernes au rez-de-chaussée, des pièces classiques (terres-cuites, statues, peintures) au sous-sol, des expérimentations modernes (lasers, vidéos interactives) dans une aile, des démonstrations techniques de colorants, de tissage, par des entreprises dans une autre. Il y a de tout dans ce musée, parfois un peu bric-à-brac mais riche de très belles pièces.

 


Musée de la soie de Suzhou

Petit musée de Tongli

Musée provincial du Jiangsu

Exposition Wu Weishan


     Quelques belles villes autour de Shanghaï

 

Dans la proche banlieue de Shanghaï, plein Ouest, Zhujiajiao est un ravissant petit village installé sur un entrelac de canaux. Les ponts, les ruelles, les boutiques, les placettes, tout est fait pour retenir le touriste. La nuit, les éclairages et leurs reflets donnent à la ville un charme vénitien. Les restaurants ouvrent leurs salles sur les canaux. Les spécialités de poisson le disputent au porc au miel que l'on vend aussi dans des échoppes accompagné d'un alcool raide comme une trique.

 

Un peu plus loin encore à l'Ouest, c'est Suzhou, tant vantée (mais peut-être un peut trop, non ?). La ville est maintenant gigantesque et sur l'autre bord d'un des innombrables lacs qui l'entourent, elle s'est dotée de tours et d'immeubles qui, à l'image de Pudong, l'étendent vers le ciel. Mais le centre de la ville ancienne s'est organisé autrour de ses cent jardins qui rivalisent de paysages exquis. Que préférez-vous : Le Jardin de la Politique des Simples ? celui du Pavillon des Vagues, ou celui du Maître des Filets ? ou celui de l'Humble Administrateur ou de la Montagne Etreinte de Beauté ?

 

Pas très loin, Tongli a choisi de se présenter sur un autre registre : plus simple, presque paysan, mais avec de bien belles maisons, sans les aristocratiques prétentions de Suzhou. On est ici dans un gros village, riche d'un réseau serré de canaux et de résidences discrètes de riches commerçants.

 

On ne dira pas grand-chose de Nanjing, faute de temps, faute de soleil et de chaleur, faute d'avoir trouvé les bonnes portes. Oui certes, le parc des Tombeaux Mings, oui, une Tour de la Cloche discrète, une tour du Tambour, peut-être belle mais à l'accès interdit, oui certes le Temple Jiming, mais inaccessible par la foule des visiteurs. Se rabattre alors sur le musée et les quartiers touristiques. Quel dommage !

 

Et puis, en d'autres temps, c'était vers le Sud et le Zhejiang que nous avaient portés nos pas : La bien belle petite citée de Wuzhen tout engourdie dans les brumes de ses canaux, et plus loin, l'autre capitale du Sud, la ville de Mao Hangzhou.