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Les festivals d'été des Minorités au Sichuan,   juillet - août 2018

       Festival tibétain du cheval à Litang
       Festival yi des Torches à Xichang        -       Henri Maître

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les cartes

 

Carte générale de Chine

 


Carte du Sichuan

 


La carte des voyages au Sichuan
2010 : le Kham,
2013 : le Nord du Yunnan,
2016 : les Montagnes Froides,
2018 : les festivals : Chevaux et Torches

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Torche à la fête à Xichang

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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© henri maître - le 20 septembre 2018

 

         1 - Chengdu, la capitale
         2 - La route du Tibet
                 2-1 - Kangding, la porte du Kham
                 2-2 - Danba en pays Suolo
         3 - Litang et le festival du cheval
                 3-1 - Monastère de Maitreya
                 3-2 - Festival du cheval
         4 - En pays Yi : Xichang
                 4-1 - Xichang
                 4-2 - Fête des Torches près de Zhaojue
                 4-3 - Fête des Torches à Xichang
                 4-4 - Fête des Torches à Puge
         5 - Retour à Chengdu

 

1 - Chengdu, la capitale

Pour notre arrivée cette année à Chengdu, c'est un gros orage qui nous accueille. Il nous repousse jusqu'à Chongqing chercher un peu de carburant et attendre qu'il inonde d'autres lieux.

La visite au Parc du Peuple est rituelle, à Chengdu, à la sortie de l'avion, comme sont rituels ses salons de Thé. Comment mieux oublier le confinement de la cabine que dans cet îlot de verdure où la vie s'écoule grain par grain comme dans un sablier ? Sous les terrasses ombragées de platanes et de bambous, les praticiens des massages d'omoplates disputent la clientèle aux nettoyeurs d'oreilles, munis de leur lampe frontale et de leurs introspectifs instruments.

Plus loin, au carrefour de deux sentes, quelques groupes de musiciens poussent la chansonnette et entraînent tant bien que mal quelques couples, pas tous très jeunes. Il fait encore trop chaud ! Près du lac, ce sont les placards des offres de mariage qui nous attirent. Les affichettes accrochées aux grilles du jardin, sont l'objet de la vigilance suspicieuse des parents, qui sauront vanter les mérites très confucéens de leur progéniture ou éventuellement rappeler leurs charmes sonnants et trébuchants ... pas un jeune en vue ! L'affaire, si elle se fait, se traitera sans eux tandis qu'ils courent probablement sur Weibo ou sur Wechat, dans un tout autre rêve.

Manger un morceau ensuite à Kuanzhaixiangzi, l'ancien quartier mandchou de la dynastie Qing, avec la foule des touristes chinois.

Se refaire le palais au parfum du poivre du Sichuan. On implore ! "Bo La" le plat ! Mais trop tard ! Il sera rouge et épicé, même si l'on vous assure que pour vous la dose est celle que l'on réserve aux enfants ! Il faut aussi se refaire la main à manier les petites baguettes et amorcer la guirlande des décorations sur le pantalon.

2 - La route du Tibet

2.1 - Kangding et la porte du Tibet

Départ vers l'Ouest le lendemain, par un beau soleil pourtant rare dans ces régions. Passage au parc des pandas de Bifanxia, un peu tristounet. Nous rejoignons Kangding : "la porte du Tibet", en moyenne montagne, pour nous adapter un peu à l'altitude. Kangding, à 2500 m, est coincée entre deux parois vertigineuses et deux rivières bouillonnantes, le Tar et le Chen, traversent l'étroit espace où se serrent aussi deux ou trois rues (ou routes ?) encombrées de camions.
Par chance, nous assistons à deux mariages tibétains qui ont choisi l'un comme l'autre les salons de notre hôtel ...

Premiers contacts avec les chubas d'apparat portées par les hommes comme par les femmes, les lourds bijoux d'argent en pendeloque, les colliers de corail, les boîtes à talisman, les bottes droites ... Le soir sur la place, au centre ville, danses collectives. Les tenues locales sont timides : une robe longue aux parements brodés, ceinte d'une écharpe de couleur, des parures de tête faites de rubans rouges ou roses tressés dans une boucle de cheveux, un bonnet noir étroit à visière brodée retombant sur les épaules en voile souple, à motifs de fleurs, retenu par un bandeau garni de gros camés, ... les hommes n'ont que le chapeau de cow-boy et le collier de perles de corail pour se distinguer.

Il n'y a guère à voir dans la ville. Nous ne visiterons ni la mosquée (au dôme bleu-vert rutilant), ni l'église qui a été convertie en magasin de cercueils, mais le temple bouddhique sans grand intérêt. Le marché est plus passionnant, qui tient comptoirs le long de la rivière en aval de la ville. A côté de quelques sympathiques bouchers qui affichent fièrement les queues des yacks pour garantir qu'ils ne trompent pas le client avec du vulgaire boeuf, ce sont les étals de champignons qui forcent l'admiration. La saison bat son plein et ce sont cinquante variétés différentes qui sont exposées, juste sorties des montagnes alentour. Difficile d'imaginer une telle diversité, difficile d'imaginer que ceux-là aussi se mangent : des barbes de diable rouge vif, des gros oeufs verdâtres, des phallus grotesques, des brindilles coiffées d'une petite ombrelles, de grandes feuilles charnues ... Déjà, au bout du marché, des caisses sont fermées et partiront dans l'heure vers les marchés de Chengdu ou de Chongqing, ou directement vers les restaurants de Beijing ...

2.2 - Danba et le pays Suolo

Nous poursuivons notre adaptation à l'altitude par un petit détour par le Nord, pour visiter les villages de la région de Danba. Pour cela nous nous hissons sur le plateau tibétain par des cols successifs entre 4000 et 4300 m et des routes parfaites (elles ont bien changé depuis 10 ans). Le temps toujours brillant nous offre des perspectives sur le majestueux Gongga, (7 560 m), puis sur le Yalu, plus petit, mais sacré tout de même. Les prairies d'altitude sont bien vertes, parsemées des fleurs les plus variées parmi lesquelles on reconnaît ici et là colchiques, anémones, edelweiss et orchis. Les larges tentes noires en poil de yacks accroupies dans leurs cordages comme des araignées ne sont plus la règle chez les nomades. Des tentes blanches, en matériau synthétique, plus droites, plus compactes fleurissent maintenant partout et rejoignent les motos et les panneaux solaires au rayon des modernités. Le terrain d'aviation de Kangding profite des premiers terrains plats. A 4300 m il n'est pas le siège d'une grande activité. On dit que sur dix avions, neuf sont annulés et le dixième en retard. La piste est cependant très moderne et les installations tout à fait respectables.

Un peu plus loin, nous visitons le monastère de Muya. Curieux monastère ! Monastère de nonnes, gigantesque (plus de 500 nonnes dit-on) perdu dans la montagne, avec juste un petit village autour. Les bâtiments, dans le style ancien sont flambant neufs, et un bâtiment plus grand encore est en construction sur la colline derrière. Une vaste aire d'accueil, parée de bouquets de fleurs artificielles plantées comme des santons à la parade donne le ton. Puis une sorte de grand hall de gare décoré en temple bouddhique avec cent rangs de tapis de prière et des milliers de Bouddhas électroniques sur les murs se prépare à accueillir les foules innombrables. Le mur de manis est à l'avenant : il a 10 mètres de haut et la surface d'un terrain de football.

Son coeur est constitué de dalles empilées apportées par quelque camion, tandis que seule la couche extérieure est faite de pierres sculptées ou peintes qui n'en couvrent qu'une toute petite surface, les plus grandes d'une belle facture industrielle. Un autre temple, moderne et vaste aussi, mais plus conforme aux traditions s'ouvre un peu plus haut et, si le visiteur le contourne, il découvre le bâtiment ancien d'où tout est parti, modeste dans ses proportions et dans ses attributs. Probablement seul survivant du zèle maoïste.

Nous redescendons dans la vallée du Dadu et les villages de la région de Danba. L'architecture est ici remarquable. Nous l'avons décrite par ailleurs : de belles bâtisses de 3 ou 4 étages dotées de terrasses et de balcons, murs peints de couches successives, blanches, ocres, rouges, noires, portes ouvragées. Chaque maison est noyée dans un îlot de verdure et les villages sont dispersés sur tout le flanc de la montagne. Villages tibétains ? Villages qiangs ? Nous ne pourrons le savoir. Les populations sont ici mêlées de longue date et empruntent les unes aux autres les traditions vestimentaires et l'habitat. Il en est de même pour les tours de guet qui jalonnent la montagne : robustes tours à base carrée ou octogonale qui émergent de la végétation et jettent leurs murs aveugles aux cieux. Notre hôtel est dans la "zone touristique" du village modèle de Jiaju, mais fort heureusement notre guide nous entraîne dans d'autres villages qui n'ont pas été frappés par la sélection du comité touristique : Moluo, Kegeyi. Nous y serons choyés dans une petite auberge qui ne s'attendait pas à recevoir des Longs Nez. Nous y verrons de près des bâtisses un peu moins peintes, un peu moins bichonnées, mais qui n'ont pas connu le béton et le préfabriqué. Un très joli petit temple nous attend au sommet d'un éperon rocheux avec une vue exceptionnelle sur la vallée.

Allons, nous sommes maintenant parés de notre compte de globules rouges et nous pouvons foncer droit à l'Ouest. Les cols se succèdent, au-dessus de 4000 m, le plus haut à 4750 m. Les paysages sont somptueux : grasses prairies fleuries où broutent des troupeaux de yacks. Parfois des cavaliers traversent les prés, des femmes en petits groupes, portent des hottes. Dans les vallons, des moulins à prière, mus par le filet d'eau d'un ruisseau, égrènent leurs prières mécaniques Om Mani Padmé Hûm en langue des moulins. On retrouve la Nationale 318 (Shanghaï-Lhassa ! rien que ça !) et les camions et on arrive à Litang en fin d'après-midi.

3 - Litang

3-1 - Litang et le monastère de Maitreya

Litang est une ville basse, plutôt plate, carrée, banale. Ses bâtiments sont moyennement laids, ses avenues sans charme. A plus de 4000 m d'altitude, c'est une des villes les plus importantes du Kham (l'un des trois Tibets historiques). Elle s'enorgueillit en effet d'héberger l'un des monastères les plus importants du Tibet, ou du moins elle s'enorgueillissait car les bâtiments anciens ont été méticuleusement bombardés par l'artillerie et l'aviation chinoise lors de la révolte des moines de 1956 qui partit justement de Litang. Turbulents Khampas de Litang ! Ils sont mêlés à toutes les révoltes. Ce sont des moines de Litang qui sont arrêtés après les attentats de la gare de Kunming en 2002 et en 2007, c'est lors de la Fête du Cheval que l'appel des moines tibétains au retour de Tenzin Gyatso comme 14e Dalaï Lama met en ébullition la garnison de Litang. Dans les rues, c'est bien les Tibétains qui sont présents : faces cuivrées, lourdes tresses de cheveux tordus, chez les hommes comme chez les femmes, et retenues par d'impressionnantes boucles d'argent, de corail, d'os, lourds tabliers brodés, larges ceintures bariolées, chubas nouées à la taille, colliers de perles, chapelets d'ambre, moulins à prière et pour les plus modernes, ce petit compteur de plastique, glissé à l'annulaire qui se porte garant des tours de prière. Les enfants même ont cette élégance et cette désinvolture que donne la chuba brodée, négligemment drapée, le chapeau de cuir façon Stetson, les bottes à talon plat ... Des groupes de femmes se distinguent portant de hautes coiffes cylindriques, soit de soie jaune et rouge, soit de fourrure orange (artificielle, la fourrure malheureusement). Elles ont de longues nattes finement tressées sur les épaules, que prolongent des bijoux qui leur battent les mollets. Elles sont descendues des montagnes pour la Fête du Cheval et en profitent pour regarnir les coffres de leurs maisons ou de leurs tentes de chemisiers, de chapeaux, de chaussures ... Elles portent souvent un masque de tissu sur la bouche.

Nous visitons le centre-ville, le marché et la partie ancienne (quelques dizaines de maisons de très belle facture autour du monastère), puis le monastère lui-même. Monastère de Maitreya ou Thupten Jampaling selon les ouvrages, c'est le plus grand du Kham et l'un des trois plus importants du Tibet, juste après celui de Lhassa et celui de Kumbum. C'est un monastère Gelugpa (bonnet jaune) et il abrite près de 5000 moines dont un tiers en résidence permanente dans des bâtiments qui s'échelonnent sur la colline. Bien beaux bâtiments au demeurant, aux boiseries rutilantes, aux peintures éclatantes, aux bannières brodées de frais et aux coffres généreusement parés de lampes de beurre et de statues grimaçantes. Les bâtiments originaux datant du XVe siècle ont pratiquement tous disparus à la suite de la révolte de 1956. Pourtant une petite bâtisse, un peu à l'écart et bien vieillotte, est encore présentée comme l'habitation originale de Sonam Gyatso, le 3e dalaï-lama qui a fondé le monastère. Seules pièces où la superbe et le gigantisme font place à l'intime et au recueillement. On retrouvera cette ambiance de profonde piété en sortant du monastère et en poussant la porte d'un vieux petit temple caché derrière un mur de manis, où de vieux petits vieillards passent des mains aveugles sur des moulins à prière cabossés et délavés de toute peinture.

3-2 - Le Festival du Cheval

Mais la grande affaire en ce premier dimanche d'août est le festival du Cheval. C'est la fête la plus populaire du Kham, mais depuis les évènements de 2007, elle est interdite et ne reprend cette année que sous un extraordinaire déploiement de forces policières et militaires. Elle se tient sur un vaste plateau au Sud de la ville. Des centaines de tentes sont déjà installées, avec les représentants de chaque village ou de chaque vallée. La veille nous arpenterons en toute liberté ces espaces, rencontrant ici de jeunes cavaliers qui répètent les acrobaties, ici un groupe qui panse un cheval, le couvrant de tapis, de rubans, tressant ses crins en mêlant une grosse laine rouge, là des jeunes femmes qui s'affairent autour de leurs robes, là enfin une famille qui fait griller l'orge pour préparer la tsampa. L'occasion de faire quelques photos, mais aussi de se faire photographier car les touristes sont bien rares qui ne sont pas asiatiques et la tentation est grande (comme chez nous) de montrer aux copains (aux copines surtout) que l'on a voyagé en quittant ses montagnes.

Le jour du festival, l'affaire est plus sérieuse. La tribune officielle n'a qu'un millier de places et ne nous est pas ouverte. Il y a autour de la piste (500 m sur 200), plusieurs dizaines de milliers de personnes, arrivées comme nous dès l'aurore pour avoir droit à un petit champ de vue sur la piste. Heureusement, beaucoup de choses se passent en dehors de cette piste. Tout d'abord les équipes de danseurs représentant, avec leurs habits rituels, chaque village. Filles et gars sortent des tentes et rejoignent les plots de départ, les unes chuchotant ou s'esclaffant quand leur téléphone veut bien les libérer, les autres roulant les mécaniques comme des moniteurs de bain. Vingt villages au moins et autant de tenues différentes, mais toutes infiniment élégantes. Ils se regrouperont puis défileront, danseront probablement, mais nous ne les verrons pas vraiment, trop éloignés que nous sommes.

Et puis, c'est le tour des cavaliers. Ils surgissent eux aussi de la zone des tentes, par village, au triple galop. Les poneys tibétains ne sont pas bien hauts, mais ils ne manquent pas de sang et dans les hurlements des cavaliers, repris par la foule, ils se sentent vraiment délivrés de toute raison. Cheval et cavalier forment une masse confuse où se mêlent les broderies, les rubans, les bannières, et les grelots. Ils passeront plusieurs fois, dans un sabbat infernal, devant les tribunes, attrapant au passage, et au triple galop, des rubans jetés au sol. Parfois l'un des cavaliers ne peut remonter sur sa selle et s'effondre sous la risée de ses camarades. Parfois il entraîne dans sa chute son cheval ou mieux deux ou trois chevaux puisqu'ils galopent si près. Un peu d'émotion dans la foule mais bien peu. Les dernières charges seront faites avec des archers qui utilisent de curieux ustensiles de cinéma. Nous ne les verrons pas, il nous faut nous extraire du bourbier du parking où plus de 10 000 voitures se préparent à rejoindre la seule route à voie unique.

4 - En pays Yi

4-1 - Xichang

Car il nous faut revenir dare-dare pour le Festival des Torches dans les Grandes Montagnes Froides (DaLiangShan). Nous avons connu cette région, à 500 km au Sud-Ouest de Chengdu, en hiver. La route à rebours de celle de l'aller se passe bien, mais il nous faut abandonner l'idée de couper par les hauts plateaux vers Jiulong. La route a été emportée il y a plusieurs semaines. Tant pis, nous repasserons par Luding (le temps de rejouer l'héroïque traversée de l'armée révolutionnaire aux prises avec le vilain Tchang Kaï Chek sur le pont de câbles) et nous longerons le Dadu quelques temps. Ainsi nous arriverons tant bien que mal (l'autoroute est encore en construction) à Xichang qui nous impressionne une fois encore par l'ordonnancement de ses avenues, la netteté de ses immeubles et ses beaux massifs de bougainvilliers.

Xichang est le chef-lieu de la préfecture autonome Yi de Liangshan. Elle a été installée dans la vallée, tandis que l'ancienne capitale Yi, Zhaojue, perchée dans la montagne, était d'accès difficile. Les Yis sont une minorité turbulente, mais pas rebelle comme les Tibétains ou les Ouïghours. Le festival des Torches est l'une des deux grandes fêtes Yis, avec la nouvelle année. Ce festival a été sérieusement réglementé depuis quelques années, avec pour objectif essentiellement de limiter les incendies qui ravageaient les villages. Résultat, il y aura un festival "officiel" à Xichang, en soirée, à l'extérieur de la ville et un petit nombre de fêtes distribuées dans les villages auxquelles sera fait très peu de publicité. La plus importante se tiendra à mi-chemin de Xichang et Zhaojue, à Xingduqiao, à 3300 m d'altitude.

4-2 - Fête des Torches près de Zhaojue

Mais dès la sortie de Xichang, des barrages policiers arrêtent les visiteurs non munis de sauf-conduits. Comment sommes-nous passés ? J'ai un peu honte d'avouer qu'il a fallu faire jouer d'anciennes amitiés de mon voyage de 2016. Mais en deux heures, nous voici munis du précieux laisser-passer et nous franchissons alors sans problème les 7 barrages successifs jusqu'au terrain de la fête. Ce terrain c'est un vallon bien vert et bien humide, adossé à des collines déjà parsemées des tentes qui hébergent les représentants des divers villages. Des arènes de fortune sont aussi cernées d'une grosse corde, où se tiendront les courses et les combats. Le chemin d'accès est bordé d'échoppes où, dès le petit matin, grillent sur des barbecues des palettes de porc, des pommes de terre et des patates douces. Une foule joyeuse nous entraîne vers les arènes, si nous payons l'écot de poser pour quelques selfies avec des demoiselles.

La tenue yi est de rigueur : pour les hommes des tuniques à brandebourgs et sabretaches, à col droit et gros boutons façon argent, comme des hussards russes d'opérette. Mais cela s'ils sont jeunes seulement, les plus âgés se contentent souvent de la vareuse bleue, éventuellement doublée de la cape de laine frangée. Enfin nous voyons à profusion les chapeaux à aigrette (un turban noir dont l'extrémité est ramenée au centre en une petite queue de matelot qui serait verticale sur la tête). Ces couvre-chefs ont bien disparu dans la vie quotidienne au village. Quelques chamans (des bimos) se distinguent par leur vaste chapeau conique, la longue cape frangée et un air certain de respectable sagesse. Les femmes offrent une variété beaucoup plus grande difficile à résumer en quelques lignes : généralement la jupe à plis à larges bandes colorées horizontales, souvent des tuniques étroites à col droit, richement brodées de guirlandes de nuages stylisés et de figures géométriques. Les teintes dominantes sont bien sûr celles du peuple Yi : rouge, noir, jaune, mais il y a aussi du vert et du pourpre. Des bijoux, pas toujours vrais, ornent les oreilles, le cou, le front. La répartition est ici mieux faite dans les générations, et souvent un nourrisson dans sa hotte est paré autant qu'une grand-mère courbée sur sa canne. Les coiffes sont assez variées, mais on voit beaucoup de ces demi-cylindres de velours noirs, plongeant vers l'avant et retenus par une grosse tresse noire enrubannée, ainsi que ces édifices en portes gothiques, droites sur la tête et couvertes de bijoux d'argents. On verra même ces lourdes coiffes de métal ciselé comme des coiffes Miaos.

Les groupes de chaque village vont défiler en fin de journée, mais en attendant ils se préparent dans la grande prairie, ils papotent, ils téléphonent (beaucoup) et ce n'est pas pour rien que China Telecom a dressé une station mobile. Quelques photographes professionnels sont là avec leurs équipements monstrueux, mais nous avons l'avantage d'être étrangers (sommes-nous plus de cinq dans ce cas ?) et cet atout nous gagne beaucoup de sympathie, nonobstant notre modeste équipement. Nous ne verrons pas beaucoup les défilés des villages car nous n'avons pas accès à la tribune officielle, mais n'avons-nous pas tout vu déjà alentour ? Après le défilé, quelques danses, puis démarre une chorégraphie avec un bon milliers de figurantes, chacune tenant une ombrelle jaune vif. Elles arrivent de toutes les collines alentour en longs serpents réguliers aux rythmes de puissants haut-parleurs et convergent vers l'arène centrale.

Le lendemain, nous reviendrons sur ce site pour voir les divers concours : des luttes, très semblables à celles des Mongols, des courses de chevaux, à cru, par de jeunes cavaliers excités comme des puces, des combats de béliers, de taureaux, de coqs. Chaque village a amené son champion et beaucoup sont en effet très impressionnants, mais leur humeur n'est pas très batailleuse. Quand enfin, après moult exhortations, ils veulent bien considérer l'adversaire comme un rival, l'affaire se traite souvent en quelques vigoureux coups de têtes, en un gagne-terrain cornes contre cornes qui se termine vite par la débandade de l'un d'eux (le plus raisonnable ?). Il sera conspué par l'assistance, surtout s'il était à l'évidence le plus costaud et donc le favori. Pas de sang heureusement, et le taureau de 800 kilos retourne au milieu de la foule, qui s'écarte à peine, tenu en main par son lad dépité ...

4-3 - Fête des Torches à Xichang

Nous sommes de retour à Xichang juste à temps pour nous joindre à la foule immense qui se dirige vers le terrain réservé à la fête. Il a fallu abandonner notre véhicule à plus de 4 km de ce lieu et nous remontons dans une masse exubérante l'avenue dégagée de tous véhicules. Seules les motos et les mobylettes ainsi que quelques très rares bus, bondés, sont autorisés. Ils contribuent à la cacophonie par l'usage obstiné de leur avertisseur employé comme chasse-boeufs. Peu d'habits coutumiers ici, on est en ville ! mais des trucs bizarres issus du génie de la hi-tech chinoise : multiples ballons gonflables emboités et illuminés, coiffes scintillantes, épées de Darth Vador, papillons fluorescents, drones de toutes tailles, ... Il y a aussi des marchands de fagots, un bois bien sec, grand comme un adolescent et épais de deux mains, qui sera enflammé au bûcher central tout à l'heure.

Mais la situation se complique. Le flux montant était dense et tumultueux. Il se heurte maintenant à un flux descendant, d'abord faible, puis de plus en plus important. Renseignements pris, l'aire du bûcher, prévue probablement pour des milliers de personnes, est maintenant saturée et les arrivants sont refoulés manu militari. Il nous faut renoncer alors qu'il reste encore un bon quart d'heure à marcher ... Heureusement, la nuit est douce et nous retrouvons tant bien que mal notre hôtel, dépités de n'avoir pu participer aux liesses collectives. Nous aurons droit le lendemain, dans une arène privée, autour d'un barbecue traditionnel, à une forme plus modeste de cérémonie, avec costumes, brasier, danses, démonstrations de bimo marchant sur des braises ou escaladant nu-pieds un mat de poignards. Mais tout cela est un peu trop stéréotypé et rappelle les animations de cabaret.

4-4 - Fête des Torches à Puge

Au Sud de Xichang, Puge est une ville importante nichée dans la montagne. La route pour l'atteindre s'élève au-dessus de la rivière Anning et du lac Qionghai, à travers de superbes forêts de conifères. Des marchands de champignons tout au long, interpellent les voitures. Puis la route redescend vers une vallée, traversant des villages Yis typiques : maisons basses et plates, sculptures pour soutenir les toits, peintures aux façades. Nous arrivons à Puge, comme il se doit, dans un tumulte de véhicules.
Les fêtes se tiennent sur le stade de la ville, taillé dans la colline qui la surplombe. Quand nous arrivons, une multitude déjà se presse autour du stade. Si la foule de Xichang était citadine et branchée, celle de Puge est issue des villages alentour. Les tenues sont souvent sur le modèle traditionnel, quand bien même taillées dans du nylon. C'est un festival de couleurs, de broderies, de bijoux, de coiffes. On y voit ces curieux képis hauts, souvent bleus vifs qui sont la coiffe quotidiennement portée à Zhaojue comme à Butuo, et même les lourdes capes de feutre typiquement Yis que l'on croyait réservées à d'autres saisons.
Il nous faut maintenant jouer des coudes et nous hisser sur la pointe des pieds pour apercevoir de loin, entre une tête et un parapluie utilisé en pare-soleil, le défilé des villages, puis la chorégraphie collective qui noue et dénoue des processions d'ombrelles jaunes (l'ombrelle jaune est l'accessoire indispensable de la fête des Torches). Nous jetterons l'éponge après les premières luttes de taureaux et nous consacrerons à une exploration des sous-bois environnants. Pas très loin du stade, ce sont les stands de nourriture qui occupent l'espace : l'indéfectible barbecue, mais aussi des échoppes de soupe ou de pains-vapeur, voire d'artistiques confiseries de sucre filé et de boissons. Si l'on arrive à s'extraire de la foule envahissante qui les prend d'assaut, si l'on arrive à échapper aux mares de boue qui se tapissent insidieusement dans tous les espaces libres, si l'on s'écarte un peu de l'arène publique, alors on accède aux aires de repas des familles. Et là, c'est Breughel, plus que Renoir, sous chaque sapin ! Au moins trois générations dans chaque groupe, 20 têtes, parées des plus belles coiffes, des enfants qui courent, relevant des robes de princesses ou retenant des coiffes à plumet, d'autres qui somnolent dans des porte-bébés brodés, des aïeules qui dirigent les agapes, distribuant épis de maïs et brochettes. Les hommes alignent devant eux les bouteilles de bières comme autant de victoires sur un adversaire tenace. Les voix sont véhémentes, les rires collectifs, la somnolence proche, sous la chaleur torride. On est bien loin de l'arène où les haut-parleurs haranguent une foule qui se dissipe mais où continuent à batailler des béliers. A Puge, la fête est vraiment populaire et prise en main par chaque famille. Elle est bon-enfant et désorganisée. La machine gouvernementale est dans ce festival moins sensible qu'ailleurs.

5 - Retour à Chengdu

Avant de quitter Xichang, rapide visite au Musée de L'Esclavagisme et un oeil sur le carré de vieilles maisons autour de la dernière tour debout des remparts de la ville.
Route vers Chengdu. Nous aurons le temps encore d'y visiter le temple taoïste Qinyiang dont les bâtiments visibles datent de 1660. Puis nous assistons au théâtre des masques, étonnante spécialité de Chengdu avant de prendre notre avion dans la nuit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les galeries photo

 

 

Festival du Cheval
Chevaux en fête et costumes du Kham

 

 

Festival des Torches à Zhaojue -1
Sur les pelouses et dans les arènes

 

 

Festival des Torches à Zhaojue -2
Costumes traditionnels Yis

 

 

Festival des Torches à Puge
Déjeuner sur l'herbe au Sichuan

 

 

De Chengdu à Litang
Kangding, Danba et les marches du Tibet

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Théatre de masques à Chengdu

 

 

 

 

 

 


 

 

henri