retour à la page des voyages

     le texte en anglais

Le sud-ouest américain : les parcs et les canyons

De Phoenix (AZ) à San-Francisco (CA) à travers Nevada, Utah et Colorado
Septembre-octobre 2022



Automne 2022 : la Grande Amérique affronte une de ces bourrasques qu'elle subit trop souvent ces dernières années. Joe Biden est interpelé sur son bilan économique ! Il faut voler à son secours car la perspective d'un triomphe de son challenger désole nos campagnes ... Foin d'hésitations, si c'est sur le bilan économique que se joue la démocratie étasunienne, nous verserons notre modeste écot de bon coeur à la balance commerciale de l'Oncle Sam. Direction l'Amérique, relançons son tourisme !
22 jours et près de 6 000 kilomètres plus tard, nous sommes fiers d'avoir contribué au rétablissement (relatif, certes, mais inespéré !) de la démocratie au pays de Groucho Marx et d'Hopalong Cassidy. Mais revenons au début de l'aventure.

Départ de Paris sur les chapeaux de roues. Notre élan est vite freiné par de très improbables bouchons routiers. Bercy-Roissy : trois heures un dimanche matin, Roissy Francfort : une heure, Franckfurt Phoenix : je ne sais plus, mais un peu trop quand-même. La chaleur est lourde à 20 h en Arizona en cette mi-septembre, et la nuit bien noire déjà. Mais nous ne verrons pas grand chose de Phoenix que son hub de location de voiture et un motel plutôt coquet dans une banlieue gaie comme un cimetière. Dès le petit matin, sous un fort vent du sud, nous cinglons vers Flagstaff à travers les collines semées de cactus porte-manteaux, puis de grasses prairies et de forêts de cônifères. Un petit détour vers les champs de lave de Sunset Crater Volcano National Monument et un coup d'œil aux ruines des pueblos de Wupatki et nous voilà sans transition au cœur du désert avec lequel nous allons jouer pendant plus de quinze jours.
L'objectif de cette première étape est le Grand Canyon du Colorado. Et c'est le premier coup de cœur ! Nous passerons deux jours à explorer le South Rim d'Est en Ouest, plongeant même pour une courte randonnée dans la piste du Bright Angel. Nous ne nous lassons pas des perpétuels changements des masses rouges tantôt incisées par le ciseau d'un rayon, tantôt étouffées par l'ombre d'un nuage ... la pluie même, complaisamment, laissera traîner un arc en ciel avant de se sauver discrètement. Canyon du matin, canyon du soir, canyon du plein midi ... est-ce le même paysage que l'on retrouve trois heures plus tard ?

(suite du voyage après les photos)


  La carte du voyage
 


  Les états visités lors du voyage
 



Les photos du voyage

Du Grand Canyon
à
Monument Valley
De Mesa Verde
à
Zion National Park

De Las Vegas
à
San Francisco



L'émerveillement suivant, ce fut Antelope Canyon, un peu plus au nord, au bord du lac Powell. Un coup de couteau dans le plateau de grès brun. Un coup de couteau tortueux et sanglant qui s'étire sur une centaine de mètres, étroit et flambant de toute une palette d'oranges, de jaunes, de roses, de rouge-brique, de vermillon. Le ciel, à peine visible entre les parois en surplomb, y jetait des rayons rares jusqu'à ce qu'il lui prît l'idée saugrenue d'y verser de grosses gouttes larges comme des assiettes, puis des hallebardes chargées de sable rouge. Rapidement le sol incertain s'est mué en un ruisseau et nous n'avons échappé à ces eaux qui sûrement sont devenues torrent que par la preste intervention des équipes d'alerte nous poussant vers l'unique issue, une échelle bienvenue au bout du boyau.
Pourquoi fallait-il que, dans ce séjour tout au long marqué d'un soleil implacable et d'un ciel serein, nous renouvelions cette marquante expérience de flash flood dans une autre condition également singulière ? Ce fut lors de la visites des Narrows (les bien nommées) au fin fond du parc national de Zion. Là aussi, les équipes d'intervention ont dû brutalement évacuer les promeneurs engagés dans leur visite dans le cours même de la rivière, là où cette rivière est coincée entre les parois de granite verticales, gigantesques cette fois, tandis que des flots diluviens s'abattaient sur ce pays biblique. Bravo l'artiste ! Des mises en scène réussies pour sortir des touristes béats d'une admiration routinière et passive !

Mais, puisque nous évoquons la Bible, revenons à Page, la petite ville tout au nord de l'Arizona, d'où l'on visite Antelope Canyon. Page et ses 7500 habitants tient lieu de capitale dans ce pays Navajo et si vous remontez sa rue principale, Lake Powell Drive, vous traversez finalement en moins de 100 m un exceptionnel alignement de 12 églises. Petites églises ou à peine chapelles, proprètes et pimpantes derrière les pelouses bien tenues. 12 boutiques allèchantes aux noms exotiques, plus ou moins "réformées", plus ou moins "dernières", plus ou moins "nouvelles", noms prometteurs d'un bonheur infaillible et éternel.

Que le lecteur courageux qui nous a suivis jusqu'ici se rassure : nous ne lui ferons pas subir chaque journée du périple. Nous sauterons allègrement les étapes pour l'essentiel (dans un mélange que dénonce la logique) et laissons aux photos le soin de compléter nos dires. Evoquons bien sûr le fantastique décor de Western de Monument Valley avec ses cathédrales jetées dans le désert comme autant de Radeaux de la Mèduse. Evoquons Valley of the Gods qui leur fait un discret écho loin des itinéraires balisés. Evoquons aussi le sillon monstrueux de la rivière San Juan à Gooseneck Overlook qui multiplie par trois la boucle du Colorado à Horseshoe Bent. Parlons des espaces infinis où se meurent les vagues successives de canyons et de montagnes, où s'affrontent les couleurs au soleil couchant : Muley Point à cheval entre Arizona et Utah, et à Canyonlands, au bout de pistes infinies : Dead Horse Point, Island in the Sky ou plus au sud Needles Overlook. Gardons pour la fin de ces grandioses paysages Arches National Monument qui parachève dignement l'exceptionnelle collection de paysages à couper le souffle..

Les distances sont grandes entre ces sites et les routes s'étirent entre eux sans une ombre ni une prairie. Les exceptionnelles "villes" qui ponctuent le ruban des routes sont équidistantes, éloignées semble-t-il d'une journée de cheval. Ce sont 3 maisons regroupées autour d'une boutique ou par extraordinaire d'un bar. Les noms sont sympathiques : Cow Spring, Mexican Hat, Mexican Water, Bluff, Yellow Jacket ... Les fléchages le sont aussi : Horsethief Point, Cutthroat Castle, Dead Cows Canyon, Muddy Creek. Ne cherchez plus à vous nourrir la nuit tombée. Faites provisions de biscuits et de boisson pour affronter le soleil, la distance, la solitude ... Une vie d'hommes robustes, de 4x4 surdimensionnés, de vaches maigres et de bières pittoresques (probablement aussi de rattle snakes mais nous n'en avons pas vu à notre grande déception).

Poussons plus à l'est encore dans le Colorado (nous changerons d'heure sans nous en rendre compte pendant 2 jours tant l'interaction sociale est forte dans ce désert !). Traversons des terres indiennes, Navajos ou Hopis (Hovenweep, Canyon of the Ancients). Visitons quelques pueblos en ruine perdus dans les genévriers rabougris, quelques petits musées accueillants, riches de magnifiques poteries aux origines incertaines (on dit alors Anasazis en attendant de leur attribuer un nom savant lorsqu'il sera décidé). On est frappé de l'originalité et la qualité des graphismes mêlant une géométrie raffinée à une inventivité étonnante. Très peu de symétrie, des répétitions habilement altérées, des formes simplifiées mais limpides, toujours d'une grande clarté. Une palette binaire, le noir et le blanc alternant dans l'expressivité. Du grand art !

(suite du voyage après les photos)


 


 


 


 


 


 


 


 

Notre page "Biodiversité"


  Les fleurs rencontrées
 

  Quelques oiseaux
 



Et l'art dans tout ça ?

Peintres américains
du MOMA
San Francisco
Art précolombien
des musées
du Colorado et de l'Utah
Le street-art
à
l"américaine


Nos retours aux sources ont pour objectif Mesa Verde, massif à l'extrême Est de notre voyage, perché dans les vents et le froid d'une tempête naissante. Ce massif récèle une poignée de pueblos abrités sous des voutes rocheuses et admirablement préservés : habitations complexes étagées dans un amas de bâtisses d'adobe reliées par des trappes et des échelles. Ces vestiges ont parfois plus de mille ans et cessèrent de servir brusquement bien avant l'arrivée des Espagnols pour des raisons encore mystérieuses.

Nous revenons maintenant vers le Pacifique à petite vitesse, profitant de paysages magnifiques qui mériteraient certainement qu'on leur consacre plus de temps : Capitol Reef Nat. Park, Escalante Nat. Park, Torrey Canyon, Glen Canyon ... L'automne nous offre des feux d'artifice dans ces vallées étroites. Les teintes jaunes, dorées, vermillon se mélangent sur les sommets et le long des rivières. Mais nous ne pouvons leur consacrer le temps qu'il faudrait : notre but est maintenant Bryce Canyon et son foisonnement de cathédrales roses et jaunes, ses forêts d'obélisques (hoodoos), ses draperies de falaises ... moment exceptionnel dans le voyage, un sommet indéniablement, servi par un temps idéal (un soleil magnifique progressivement bousculé par des nuages pour le plus grand bonheur du photographe et finalement brouillé en ciel d'orage pour ajouter une touche de sublime au beau !).
Après Bryce, Zion Canyon, que nous avons déjà évoqué en début du roman. L'orage annoncé y a éclaté comme nous l'avons dit. Au petit matin c'est un paysage nouveau qui apparaît, tout propre, tout vert. Sur les sommets près des réservoirs de Kanaab, les montagnes ont pris des airs de Rocheuses, avec des lacs paisibles où flottent côte-à-côte oies et pêcheurs, devant les flamboyants reflets des peupliers faux-trembles. Nous retrouverons cette même sérénité d'une nature paisible à Mammoth Lakes puis dans le parc de Yosemite.

Mais il nous faut tout d'abord passer par la case obligatoire de Las Vegas, verrou incontournable pour rejoindre le Pacifique. Passer par la case Las Vegas sans toucher F. 20 000, sans miser un hôtel, sans la "case prison" ! A Las Vegas, la lutte contre le réchauffement prend tout son sens. La débauche d'éclairages bien sûr, mais surtout les immenses halls climatisés, aux portes largement ouvertes sur la tiédeur de la nuit, les grosses berlines qui montent et descendent inlassablement le Strip, les machines en rangs serrés avec leurs façades de lumière, leurs musiques, leurs cliquetis, les écrans géants couvrant des immeubles entiers, des ascenseurs qui desservent des tours gigantesques baignées de lumières clinquantes ...

Mais dans ce Nevada profondément religieux, l'enfer et le paradis se côtoîent ... sitôt éloignés de Las Vegas, nous tombons dans la marmite de Death Valley. Une marmite un peu cabossée car les inondations de mai, puis les orages d'août ont ravagé le réseau routier. On entre dans la Vallée de la Mort par une seule trappe et l'on ressortira par la même, et bien des sites à l'intérieur sont inaccessibles. Mais les Badwaters sont bien là, sous leur croûte de sel, les dunes de Mesquite comme un petit Sahara, les couleurs pastel d'Artist Drive, et surtout les couchers de soleil depuis Dante's View ...

Nous rejoignons la côte Pacifique à travers la Sierra Nevada, les multiples lacs de Mammoth, enchassés dans des écrins automnaux, les remontées de ski, inutiles ces jours, l'étendue blanche et torturée du lac Mono avec ses curieuses stalagmites d'argile cimentée, les séquoias du parc Yosemite, ses forêts de pins dévastées par de récents incendies, sa vallée coincée entre les falaises de Half Dome et d'El Capitan.

Petite visite à Stanford pour raviver des souvenirs anciens ; au cœur de la Silicon Valley, le campus a bien profité des dernières décennies et, si l'on excepte les Bourgeois de Calais qui éternellement redoublent leur semestre sur le Main Squad, tout a changé ici et l'on peine à retrouver l'ambiance estudiantine du passé ...
Nous remontons ensuite jusqu'à San Francisco pour renouer avec ... le froid et le brouillard. Trois jours de visites, un musée, des déambulations sur la baie bien sûr, des chasses (ma foi, un peu décevantes ...) au street-art, malgré la bise mordante et accompagnés dans les cieux des bruyantes évolutions des Blue Angels qui fêtent joyeusement un annuel regroupement de vieux bâtiments militaires probablement en passe d'envahir Alcatraz.
Et puis le retour, bien sûr, un peu tristounet, un peu nostalgique des occasions laissées sur le bord de la route, des détours que l'on aurait pu faire, des visites non faites ... Un vrai retour donc.



Claude et Henri Maître, décembre 2022
Retour à la page des voyages