Yunnan : au Sud des nuages

                      Chine   - octobre - novembre 2013  -  Henri Maître

 

KunMing et la forêt de pierres de Shilin Le Yunnan, province de la Chine à l'extrémité sud-ouest du pays. Frontière du Viet-Nam, du Laos, de la Birmanie et du Tibet. Le Yunnan prolonge vers l'Occident les provinces des Minorités : GuangXi et GuiZhou, et vers le Sud les hauts pays montagneux du Kham et du Sichuan. Au "Sud des Nuages", accumulés sur la barrière des Montagnes HengDuan dans les plis qui canalisent tous les grands fleuves de l'Asie du Sud-Est : Le YangTsé, le Mékong, la Salewen, l'Irrawadi, le Fleuve Rouge ...

Terre des marges et des minorités, oubliée des grands bonds en avant de ce siècle et de l'autre. Terre des hommes, marquée par les hommes et marquant profondément les hommes dans leur diversité encore vivante. Des villes et des régions qui se tournent comme les pages d'un livre ancien qui raconterait les peuplements jadis. Des pages toutes différentes mais des caractères qui se mêlent dans un tissu complexe aux frontières de brume.

KunMing : capitale incontestée du Yunnan, grande métropole encombrée de véhicules de toutes sortes, la ville des fleurs.
Sous une pluie fine et dans la froidure, passage par le Temple d'Or, petit bijoux de jardins, cours, bassins et lieux de prière, sur une colline hors la ville. Noyé dans des arbres gigantesques il ruisselle sur les massifs d'azalées et de bougainvilliers et s'égoutte dans de charmants bassins aux formes torturées. Les nénufars ne sont pas en fleur, C'est bien dommage, mais les oiseaux sont là malgré la pluie. Enchanteur comme on ne s'y attendait guère. Puis le parc du Lac du Dragon Noir et ses deux bassins jumeaux, l'un noir, l'autre vert, peuplés l'un et l'autres de gros poissons multicolores. Le parc des Minorités, artificiel certes, mais diablement passionnant dans son raccourci des habits, des maisons et des coutumes. Il faudrait une semaine pour en faire le tour.
Et que dire de la Forêt de Pierre de Shilin ? Tout a été écrit de ses itinéraires conçus pour perdre méthodiquement le visiteur. Il fait souvent très sombre entre les rochers, la pluie ajoute ses reflets sur les pierres noires et défie le photographe. Le décor est remarquablement tenu, pelouses, fleurs, arbres visiblement placés et choisis pour donner de chaque endroit le plus charmant tableau.

Dali : au bord du très beau lac Erhai, l'ancienne ville, et son architecture de petites maisons basses : un étage sur une boutique, murs blancs, peintures noires très fines de paysages et d'oiseaux, balcons et encadrements de fenêtres en bois sculpté, toits de tuiles rondes couverts d'herbes et de fleurs. Son marbre un peu partout : "la pierre de Dali" ! Ses boutiques actives d'une intense vie de petits commerçants ouverts largement sur la rue. Ses 3 pagodes (9e et 10e siècle) côte à côte, seules survivantes du monastère Chongsheng rasé (mais reconstruit flambant neuf aujourd'hui), appuyées à la montagne face au lac. La capitale de la minorité Baï : les coiffes "des quatre saisons", couronnées des neiges des CongShan, avec leur longue tresse rouge sur l'épaule, vêtement blanc et rouge à ample pantalon. Les petites villes de Xizhou et de Zhoucheng, à portée de vélo, gros murs de pisé ouverts de portes majestueuses. La pêche au cormoran sur le lac.

Le très beau village de Shaxi, qui ne connaît pas la gloire d'être dans les circuits touristiques. Ses belles demeures aux murs de pisé et façades de bois sculpté, groupées autour de la maison communale au toit de pagode. Son marché où se mêlent les tenues bariolées des ethnies (Baïs et Yis surtout, mais aussi Naxis et Pumis peut-être). Un cordonnier sur sa machine antédiluvienne à côté d'un dentiste en plein-air. Volailles, légumes étranges, fruits, vêtements et bricoles invraisemblables et, plus loin, le marché aux bestiaux : chevaux, yacks, vaches. Dans la montagne Shibao, les grottes sculptées, plus que millénaires du mont Shizhong, et un peu plus loin l'extraordinaire temple Bao Xiang, tapi dans le rocher, éclatant de peintures et sculptures, mêlant les bouddhas les plus formels aux divinités flamboyantes (venues de Birmanie ?) et au petit peuple de la statuaire des villages.

Lijiang : bien plus que Dali, Lijiang explose de tourisme. Nous sommes en pays Naxi maintenant. Les vieilles rues tortueuses de Lijiang, comme celles de Shure à ses portes, s'emmêlent dans les rivières et les ruisseau, les maisons anciennes qui les bordent, comme de vieilles courtisanes, clinquent de peintures neuves et de vernis. Dommage ! Qu'elles seraient belles dans une patine respectable, avec leurs murs de pierre et de bois serrées de guingois à l'assaut des collines, petits auvents de tuile courant sur la façade en dessous de l'étage unique, fenêtres en saillie à l'étage, avec de gros montants de bois, boutiques largement ouvertes ... et le cadre est là bien sûr : le superbe Zulong et son frère l'Aba, à plus de 5 000 m l'un et l'autre dominent les perspectives des ruelles de leur dentelle blanche. L'étang du Dragon Noir, son temple des Cinq Phenix, le pavillon Dayue. Des clichés de cartes postales. Et de la colline du Lion, le ruissellement des toits noirs de tuile semble sorti d'un volcan.
Dans la montagne au pied du Zulong, dans les alpages de Yunshanping, les forêts de mélèzes et les 3 lacs turquoise, vert et indigo de Lan Tan Hu, draînent des foules en car, beaucoup plus que le merveilleux concert d'instruments anciens Naxi, la veille. Enfin, la vallée Dongba, les temples Naxi à la Déesse Nature, les chamans aux longues toges doublées de fourrure sont là pour nous rappeler que les cultes anciens sont encore bien vivants dès que l'on s'écarte un peu des grandes routes.

En route pour le Nord : direction le lac Lugu en pays Mosuo. La route est encore de montagne, mais déjà les piles de la future autoroute fleurissent sur le trajet. Bientôt ce ne sera plus une aventure qui fait traverser les villages Yis que de rejoindre ce bout du monde. Coin de paradis, au pied du mont Gemmu. Les eaux turquoises du lac, les vapeurs matinales, les frondaisons déjà rougies du Sichuan voisin. Le peuple Mosuo aux origines incertaines, naxi, tibétaines ou mongoles. Tout se mêle chez eux pour brouiller les pistes : religion, vêtements, intérieurs, coutumes, on trouve des traces contradictoires à chaque rencontre. Le soir, superbe fête de danses locales. Les costumes des danseuses sont très beaux : courte coiffe noire garnie d'un collier de perles et de grosses fleurs, blouse de couleur éclatante serrée d'une ceinture large multicolore, jupe ample, plissée et blanche avec un filet rouge au mollet. Le soir, lorsqu'il fera très froid elles auront sur le dos un court gilet trois-quarts de grosse laine peignée ou mieux d'une fourrure épaisse et blanche, jetée sur les épaules. Les hommes ont une chapeau blanc, façon cow-boy, une blouse chamarrée jaune ou or, parfois brune, à grandes manches ballon, un pantalon ample et bien sûr des bottes de cuir. Ils enfileront en fin de journée les grosses vestes rembourrées brodées de motifs tantriques que l'on connait au Tibet.

Et c'est en direction du Tibet que nous repartons. On traverse par trois fois les vaticinations du YangTsé, on jette un oeil sur le Saut du Tigre, on grimpe sur le plateau du Kham. Paysage nouveau de très vastes étendues très peu boisées, cultures nombreuses mais sommaires : maïs, pomme de terre, orge. Dans les pâturages, yacks, chevaux, chèvres, moutons, dans les villages, porcs et poulets en liberté. Les bâtisses sont superbes, massives, trapézoïdales, sur 2 niveaux, avec balcons à gros piliers de bois, fenêtres étroites mais décorées, charpentes ouvragées. Rien à voir avec les cabanes de rondins des Yis qui sont cependant encore nombreux ici.
Arrivée à Zongdian, alias Shangrila pour le tourisme. Visite du monastère Song Zan Lin, petite copie du Potala (comme tous les châteaux européens sont des petites copies de Versailles). Tous les attributs du temple tibétain sont bien là (en fait il y a 4 temples côte à côte) : les toits ornés de gigantesques motifs dorés, les belles façades nobles en trapèze, les myriades de drapeaux, les lourdes portes ouvragées, les statues fantastiques et les peintures, les lampes de beurre et les bâtons d'encens. Mais tout cela est froid et peu vivant. Rien à voir avec les monastères de Garze, Peyul ou Derge, plus au Nord au Kham. Il y a là quelque chose de trop formel et désert, pas de petits escaliers menant à des terrasses où sèche du linge ou des piments, pas de petites salles inutiles encombrées d'ustensiles de jardinage ou de ménage, de livres de prière, pas de moines qui téléphonent devant des salles de prière ou qui s'interpellent dans des disputes théologiques à grands renforts de claquement de mains.
Visite de la vieille ville ensuite. Frappée du virus du tourisme, mais encore belle de ses rues désordonnées, de ses maisons aux toits à tuiles de bois, à façades à balcons, de ses rues aux larges dalles assemblées, avec sur le bord un courant d'eau qui glisse entre des pierres.
Trop courte sûrement cette visite ...

Mais on repart pour le Sud, avion jusqu'à Kunmin, puis on prend la route : Mile, Geisu, la traversée du Fleuve Rouge pour escalader les flancs des monts Ailao, le point d'orgue de notre voyage. Dans les villages, l'architecture est banale : maisons cubiques, murs de crépi lisses, terrasses où sèche le maïs, curieux toits de chaume, mais les rues commencent à fleurir des tenues locales, jupes bariolées, coiffes de couleurs, broderies de la tête au pied, pour les Yis Blancs, sobres redingotes blanches, grises et bleues des Hanis âgées, corsages, roses, bleus, rouges et robes à deux queues de pie en losange brodées et surbrodées pour les plus jeunes, petites pipes grêles pour les femmes, gros bambous ou tuyaux de poële en étain pour les hommes. C'est un festival qui ira crescendo jusqu'à la frontière du VietNam et les marchés des petits villages près de Lüching nous offriront des émerveillements toujours renouvelés.
Les montagnes Ailao et le district de Yuanyang, c'est surtout les rizières en terrasses les plus fantastiques d'Asie. Une cascade de murets dévallant des montagnes pour retenir autant de larmes d'eau, qui emprisonnent les replis du terrain dans une broderie aux couleurs perpétuellement changeantes. Levers de soleil, pleine journée, couchers de soleil, chaque instant est un nouveau miracle qui fait oublier le précédent.

Retour par Jianshui, l'ancienne capitale du Yunnan, riche de ses multiples bâtiments anciens, ses portes monumentales, le temple de Confucius, mais surtout ses boutiques anciennes, ses vieilles villas (celle des Zhu, véritable musée de la vie patricienne du 19e siècle), ses pierres patinées, à découvrir au coin des rues.


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itinéraire et géographie

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les minorités, là où nous les avons vues.

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Les Minorités comme nous les avons vues     


images prises, au Village des Minorités de Kunming, au Festival Ethnic Naxi de Lijiang, dans la villa Baï de Zhoucheng, dans la vallée Domba mais surtout sur les marchés et dans les villages
Dali et le lac Erhai en pays Baï
Shaxi et ShiBaoShan , pays Baï et Yi
LiJiang et le Yulong en pays Naxi
Lac Lugu et le pays Mosuo
Zhongdian, alias Shangrila , pays tibétain
les rizières en terrasses des Montagnes Ailao à Yuanyang : les Yis, Daïs, Hanis
Jianshui et la villa des Zhu

 


Henri Maître, janvier 2014
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